• Peris + Toral Arquitectes, Barcelone. © Jose Hevia Fotografía

  • a.go.ra, Mae Sot, Thaïlande. © Daniel Tejedor Ramos

  • Haworth Tompkins, The Shed, Londres. © Philip Vile

  • Yourtes, Mongolie. © Jacques Pochoy

  • Raumlabor, Fountain House, Montréal. © Markus Bader

Architecture

La ville spontanée

Dans un article intitulé « Les leçons urbaines de la jungle » paru sur le site du quotidien Libération le 6 mars 2016, l’architecte français Cyrille Hanappe soulignait que « la jungle [de Calais] est à la croisée des invariants qui définissent les villes historiques du monde entier ». Lieux de culte, maisons, restaurants : tant bien que mal, cette ville informelle s’est structurée pour héberger des milliers d’âmes aujourd’hui. S’il semble difficile d’ériger en modèle une cité bâtie dans la douleur, il reste indéniable que la jungle de Calais recèle, dans l’effort collectif qui y est déployé, des leçons d’urbanité. Difficile aussi de rassembler sous un même vocable – temporaire – des structures montées dans l’urgence et les différents projets présentés dans les pages qui suivent. Parmi ceux-là, nombreux sont le fruit de manifestations culturelles. Il convient donc d’en préciser les enjeux respectifs.

À Calais, l’architecture est temporaire par défaut, parce qu’elle y est menacée de destruction. Elle s’y fait architecture d’urgence, à l’instar des structures montées par la Mae Tao Clinic en Thaïlande, pour accueillir des populations migrantes fuyant le conflit birman. À Christchurch, en Nouvelle-Zélande, c’est à la suite d’une catastrophe naturelle, le séisme de 2011, que les structures temporaires ont été montées, dont une cathédrale de carton par l’architecte Shigeru Ban. Au Chili, l’urgence était politique pour ces concepteurs d’une structure populaire à ciel ouvert – the Wave. Car l’éphémère est souvent militant : ainsi, quand l’architecte Stéphane Malka investit des interstices urbains et des murs pignons, il le fait à la façon d’un manifeste, dans l’intention de rendre la ville à ses habitants. Enfin, depuis l’Exposition universelle de 1851, l’architecture temporaire est l’outil de prédilection de toute politique de démocratisation de la culture.

Ne nous y trompons pas : quand le National Theatre de Londres baptise son extension destinée à être démontée « The Shed », on est loin du simple abri. Il fallait une icône pour des représentations singulières permettant de drainer un nouveau public. De la culture pour retisser le lien social : les structures éphémères sont de plus en plus le lieu de rassemblements publics, jusqu’à fédérer des communautés (The Lake à Londres par EXYZT, Commune 246 à Tokyo). Parfois initiés par les pouvoirs publics dans le cadre d’actions de sensibilisation (la Fountain House de Raumlabor à Montréal), les projets temporaires peuvent se révéler un formidable laboratoire d’urbanisme (Strelka à Moscou) que les acteurs de l’aménagement s’empressent de récupérer. Alors, ce qui était voué à disparaître se pérennise souvent mais, quand elles sont bel et bien démontées, ces structures temporaires (Fattinger Orso à Linz en Autriche) ont parfois joué un rôle qui les inscrit durablement dans la mémoire collective.

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