Philippe Braquenier, photographe de l’inventaire
Depuis 2012, le photographe belge Philippe Braquenier recense dans sa série « Palimpseste » les méthodes employées à travers le monde pour préserver l’histoire, l’héritage, les traces écrites et celles désormais numériques de notre civilisation. En écho au sujet, le photographe organise ses clichés selon la « classification décimale universelle », qui est le système de classification multilingue le plus utilisé au monde, quel que soit le support. Bibliothèque, centres d’archives, data center… La série interroge entre autres les lieux de stockage de ces informations, permettant, au-delà d’une démarche de récolement, d’y lire en filigrane l’illustration de « la manière dont l’histoire est constamment modifiée et ajoutée ». Pour AA, Philippe Braquenier répond à trois questions sur sa démarche et son premier ouvrage, Palimpseste (Art Paper Editions, 2018).
Vous vous définissez comme « un artiste travaillant à la frontière entre la photographie conceptuelle et documentaire ». Pourriez-vous présenter votre travail en quelques mots ?
Mon travail est le résultat d’un processus de recherche et d’investigation relativement rigoureux, avec souvent comme point de départ une problématique sociétale globale. Mes projets commencent généralement par une très longue gestation, dans laquelle je passe mon temps à lire des articles scientifiques, journalistiques et philosophiques. De ce fait, mes projets sont documentaires mais tentent de représenter plusieurs concepts, et sont construits en couches plus ou moins perceptibles.
CERN, Genève, Suisse (494.42) – A 02014.03.19
Topography of Knowledge, 02012-02017
En 2018 est paru Palimpseste, votre premier ouvrage issu de la série photographique éponyme. Quel fut le point de départ de ce projet éditorial ?
Le livre, en tant que vecteur de connaissance et support à une longévité avérée, était indéniable dans la réalisation du projet et était prévu dès sa genèse. Il est d’ailleurs composé d’un carton anti-acide spécialement utilisé dans le monde de l’archivage. Dans sa conception, la relation entre le texte et l’image a été primordiale et chaque image est liée à un texte très détaillé. Sous leur forme exposée, les images et les textes sont encadrés d’une seule pièce pour les rendre inséparables. Je suis intéressé par la façon dont le texte peut changer notre perception et nous faire voyager spatialement pour accéder à une information. J’ai également utilisé un principe similaire dans la forme du livre où les textes sont, cette fois, désolidarisés mais liés via la « classification décimale universelle ». Ce projet est un work in progress constant, également pensé dans le design du livre, dans lequel les pages sont liées par des attaches rapides. Elles peuvent être retirées et réarrangées pour faire sa propre mise en page et de cette manière, s’approprier le livre.
Topography of Knowledge, 02012-02017
Topography of Knowledge, 02012-02017
Quelle relation entretenez-vous avec l’architecture ?
J’ai toujours été assez proche de l’architecture mais je n’ai jamais spécialement voulu travailler sur ce domaine exclusivement. Par exemple, la représentation de l’architecture dans « Palimpseste » découle uniquement du concept de la série — des lieux de stockages et d’archivages. Cependant, ce projet particulier m’a permis de faire partie de l’équipe multidisciplinaire chargée du commissariat du pavillon belge, « Eurotopie », à l’occasion de la dernière Biennale d’architecture de Venise en 2018 et de présenter mon travail photographique dans le catalogue de l’exposition.
Topography of Knowledge, 02012-02017
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, Belgique (493.21) 02012.05.29
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Retrouvez Philippe Braquenier et des extraits de sa série Palimpsestes dans le numéro 430 « Ville productive » de L’Architecture d’Aujourd’hui, disponible sur notre boutique en ligne.