Dietmar Feichtinger est l’auteur d’ouvrages d’arts reconnus, autant pour leur technique structurelle que pour la finesse de leur architecture. Contacté par AA pour s’exprimer sur le sujet « À quel moment un ouvrage d’art devient-il une œuvre architecturale ? », l’architecte autrichien installé à Paris répond par une série de questions, et soulève des problématiques sur la construction contemporaine. 

Comment se définit l’œuvre architecturale ? Est-ce son apport à l’expression culturelle d’une époque ? Sa relation sensible à son environnement, à un paysage urbain ou naturel ? Sa symbolique, son ambition ? Supposons nous sommes d’accord sur cette définition – qui est sommaire.

En conséquence le Pont du Gard et des passerelles dans le jardin d’un temple japonais sont des œuvres architecturales. Est-ce la justesse de la réponse à la question du franchissement d’un obstacle, d’un fleuve ou d’une route ? Sa matérialité réduite et son efficacité ? Ou plutôt son exubérance, sa visibilité formant un repère dans le paysage par contraste ? Pouvons-nous enlever ces attributs à des franchissements répétitifs, conçus dans un souci d’économie, de simplicité et rapidité de mise en œuvre ? Des ouvrages exprimant une hiérarchie des critères pragmatiques, souvent en négligeant les particularités du site dans lequel ils s’installent ?

Je dirais non. Ils expriment les valeurs de leur époque, se mettent en rapport, parfois violent, avec l’environnement. Ils sont contemporains et vrais. Cela nous amène à concéder que tout ouvrage d’art est œuvre architecturale.

Ce qui distingue notre époque c’est l’évolution des déplacements, de la pratique urbaine. Des nouvelles questions se posent et provoquent des réponses nouvelles. Des passerelles pour piétons et cyclistes en milieu urbain deviennent nécessaires pour répondre à l’agression d’une présence dominante de la voiture. Nous nous rendons compte du malaise qu’installe le pragmatisme favorisant l’efficacité technique et économique des ouvrages par sa brutalité envers l’environnement.

Cela nous rend sensible à l’insertion des ouvrages cherchant des rapports plus cohérents, modifiant la hiérarchie des choix en accord avec les valeurs que notre société porte.

Dietmar Feichtinger, le 13 novembre 2017
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