La nationale 6 qui mène à Villeneuve-Saint-Georges offre l’un des paysages les plus navrants de la périphérie parisienne. Serrée contre les voies du RER et de la SNCF, écrasée sous un ciel perclus de lignes électriques et d’avions en approche d’Orly, elle n’est bordée que de maudits hangars, d’hôtels borgnes et de commerces halal décatis. Des populations bigarrées s’y pressent et leur spectacle nous rappelle la dure formule de Manuel Valls sur l’apartheid dont elles seraient victimes. Est-ce exagéré ?

Qu’importe ! Car divine surprise tout cela va changer. La ville a décidé de requalifier ce boulevard en promenade urbaine ! Requalifier ? Comme ils y vont. Et d’ailleurs où vont-ils ? Car requalifier en quoi ? Comment ? Depuis que le terme est entré dans le code de l’urbanisme, qu’il fait l’objet de colloques où l’on affirme vouloir requalifier à peu près tout ce qui ne saurait bouger, les entrées de villes, les espaces verts, les abords de canal, les friches industrielles polluées et les casses de bagnoles, ça requalifie à tout va. S’il s’agissait de compétition sportive on jugerait là que nos agents de l’Etat disqualifiés par trop de médiocrité viennent d’obtenir par la grâce d’on ne sait trop qui, l’occasion inespérée de retenter leur chance. S’il s’agissait d’emploi, on entendrait dans cette louable promesse l’espoir de voir enfin les CDD de nos plus mal lotis requalifiés en CDI, mais on sent bien que dans ce requalifié là, c’est plutôt de justice qu’il faut parler. De celle qui voit parfois un délit requalifié en crime.  Car si requalifié signifie redonner une identité nouvelle à un lieu, un site, une rue, une nationale épouvantable, il faudrait s’entendre sur ce qu’une identité nouvelle peut être. Or que voit-on ? Partout où l’on requalifie, on requalifie pareil. Les villes se ressemblent, se clonent, se pétrissent d’un ennui qui taraude. On les veut apaisées et voilà qu’elles nous pèsent. Et l’on devine alors qu’à ce requalifié nul ne saurait se fier.  

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