Biennale Internationale de Design à Saint-Etienne : les 1.000 sens du beau
« Comptez 15 minutes par exposition ». Venue découvrir la 9e édition de la Biennale Internationale de Design à Saint-Etienne un jour avant son ouverture au public le 12 mars 2015, la centaine de journalistes était sommée de presser le pas pour une visite la plus exhaustive possible. Les plus curieux ont dérogé ; il y a en effet de quoi s’attarder au sein de la Cité du design ainsi que dans les nombreux lieux ouverts partout dans la ville jusqu’au 12 avril 2015.
La Cité du design sur l’ancien site de la Manufacture d’armes de Saint-Étienne.
Les sens du beau. Proposé par les commissaires généraux Elsa Francès et Benjamin Loyauté, le thème de cette 9e édition a de quoi laisser perplexe tant il semble éculé. De fait, sous couvert de libre interprétation, la plupart des commissaires ont fait fi de l’intitulé, offrant aux visiteurs des découvertes jubilatoires.
Exposition de l’artiste coréenne Lee Bul, Musée d’art moderne et contemporain, commissariat : Lóránd Hegyi.
« Le beau n’a qu’un type ; le laid en a mille ». Évoquant Victor Hugo, Alexandra Jaffré, co-commissaire avec Bart Hess de Vous avez dit bizarre ?, présente une exposition où la beauté est commentée à l’aulne du grotesque. Une doudoune parée de mains, « bras de la consommation qui cajolent ou étranglent selon les interprétations », fait partie des objets mis en scène pour illustrer, de façon parfois caricaturale, un sujet polymorphe.
Vous avez dit bizarre ?, commissariat : Bart Hess et Alexandra Jaffré.
Quelques mètres plus loin, Oscar Lhermitte (No Randomness) a choisi de décrypter des objets anonymes pour donner à voir la beauté de leur ingéniosité. Ou comment éclairer sur le sens d’une plaque d’égout, dont les motifs, par exemples ces pattes d’oiseaux, précisent sa destination – en l’occurrence un espace vert. Dans Form Follows Information, Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard présentent des créations donnant corps à l’invisible, objets conçus à partir de données notamment scientifiques, telle cette jarre striée de Mathieu Lehanneur conçue à partir de la pyramide des âges.
Form Follows Information, ©ommissariat et scénographie : Studio GGSV (Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard).
Parmi les expositions proposées hors les murs de l’ancienne Manufacture d’Armes, mention spéciale à Tu nais, tuning, tu meurs, au Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne. Sous l’égide de cette anaphore « qui sonne comme une sentence existentielle », selon Marc Monjou, co-commissaire, l’exposition est composée de pièces qui, en déjouant les clichés, s’apparente davantage à une manifestation artistique.
Tu nais, tuning, tu meurs, ©ommissariat : Marc Monjou, Rodolphe Dogniaux.
In fine, l’édition 2015 de cette Biennale fait la belle part à des propositions gommant les frontières entre art et design. Voir à ce titre l’hypnotique installation lumineuse de Sarah Van Gameren et Tim Simpson, au sein de la salle des compresseurs du fabuleux site du Musée de la Mine. Alors, un bémol : n’avoir pas offerts les espaces extérieurs du site de la Manufacture à l’imagination d’autres artistes, scénographes ou architectes. La vitalité intérieure aurait été bienvenue à l’extérieur. À Saint-Etienne, où ça foisonne, il reste encore 1.000 sens à explorer. •
Luminaries, commissariat et scénographie : Glithero (Sarah Van Gameren et Tim Simpson).
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Photos d’Emmanuelle Borne et Laure Paugam.
Texte d’Emmanuelle Borne.