Architecture

Jeanne Gang, « woman in architecture » de l’année

Steve Hall © Hedrich Blessing
Steve Hall © Hedrich Blessing

L’année 2016 a été particulièrement riche pour l’architecte américaine Jeanne Gang, fondatrice de l’agence Studio Gang. Début mars, elle était désignée lauréate du Women in Architecture Award 2016 pour son Arcus Center for Social Justice à Kalamazoo (Michigan, États-Unis). En février, l’agence livrait le Writers Theatre, à Glencoe, près de Chicago et, mi-mars, Studio Gang remportait le concours pour l’extension de l’ambassade des États-Unis à Brasilia. Connue pour l’Aqua Tower à Chicago (2010), l’agence a été fondée en 1997 et travaille actuellement entre Chicago et New York. Pour AA, Jeanne Gang évoque les derniers projets du Studio, sa démarche collaborative et le Women in Architecture Award.

Studio Gang a conçu de nombreux équipements culturels, parmi lesquels le Bengt Sjostrom Starlight Theatre à Rockford, Illinois (2003) et le nouveau Writers Theatre à Glencoe (2016). Quels sont les enjeux les plus importants dans la conception et la réalisation de ce type de programme ?
L’une de nos forces est d’utiliser l’architecture pour aider les organisations culturelles à remplir pleinement leur mission, à se fixer de nouvelles ambitions. Ces deux théâtres partagent certaines qualités : leur architecture est un outil, qui encourage les gens à s’intéresser les uns aux autres, à s’impliquer dans le spectacle et dans leur environnement. Dans ces deux cas, nous nous sommes d’abord penchés sur la conception de la scène et des coulisses pour répondre aux besoins spécifiques du maître d’ouvrage, puis nous avons exploré les moyens d’accentuer l’expérience vécue par le public. Pour chacun des deux projets, nous avons prolongé cette expérience au-delà des murs du théâtre, en prenant en compte les besoins en matière de flux, d’entractes, sans oublier les événements et performances organisés avant et après les représentations.
Au Writers Theatre, il y avait un vrai désir d’agrandir l’espace de la scène au-delà du cahier des charges habituel. Pour cela, nous avons exploité l’intimité offerte par les espaces interstitiels comme les couloirs, les salles de répétition et le hall d’entrée. Le soir, la transparence du hall fait briller le bâtiment comme une lanterne, rendant les représentations visibles de tous. Par beau temps, le hall peut s’ouvrir entièrement grâce aux baies vitrées coulissantes, offrant des connexions directes avec les parcs environnants et le centre ville de Glencoe.

Steve Hall © Hedrich Blessing
Steve Hall © Hedrich Blessing

L’Arcus Center for Social Justice Leadership, Kalamazoo, Michigan, États-Unis.

Pour le Writers Theater, vous avez travaillé avec Michel Halberstam, cofondateur et directeur artistique de l’institution. Quel impact cette collaboration a-t-elle eu dans la conception du projet ?
Nous avons en effet travaillé en étroite collaboration avec Michael et son équipe du Writers Theatre, ainsi qu’avec les artistes, les acteurs et les techniciens, et ce à toutes les phases du projet. Cette démarche collaborative est celle que nous préférons au Studio Gang, car elle enrichit considérablement le projet. Depuis sa création, le Writers Theatre a toujours privilégié l’intimité entre le public et les acteurs. Le défi consistait donc à préserver cette intimité, tout en agrandissant l’espace du théâtre. La nouvelle salle de 250 places, qui forme le cœur du projet, est le résultat de nombreuses recherches, analyses, de modélisations itératives, et de maquettes à différentes échelles. La collaboration était présente à chaque étape de la conception et s’est avérée essentielle pour mettre en œuvre l’acoustique, l’éclairage et l’esthétique désirés. Cet esprit de co-création a caractérisé le processus du début à la fin.

Quelles ont été vos influences pour la réalisation du Writers Theatre de Glencoe ?
Je voulais une architecture qui viendrait compléter l’échelle et le tissu du quartier alentour, sans les reproduire. Les matériaux utilisés pour le théâtre, comme le plâtre et le bois, sont ceux qu’on retrouve dans les maisons voisines et les commerces de proximité du quartier, mais nous les avons mis en œuvre différemment. Le contexte nous a servi de guide pour expérimenter les usages. Qu’il s’agisse d’une grande ou d’une petite découverte, j’apprécie le principe d’aller au-delà de ce qui a été fait dans le passé.

© Studio Gang
© Studio Gang

En mars, vous avez été désignée lauréate du Women in Architecture Award 2016 (prix attribué aux femmes architectes par la revue Architectural Review). Que signifie cette récompense pour vous ?
Je suis à la fois honorée et touchée. Le projet à l’origine de cette récompense est un bâtiment dont je suis très fière, l’Arcus Center for Social Justice à Kalamazoo.
Je pourrais en rester là, mais en même temps, j’ai reçu de la part d’amis et collègues des commentaires (plus ou moins directs) sur l’incongruité de l’existence d’un prix dédié aux « femmes architectes ». En effet, il ne devrait pas être nécessaire de distinguer les prix par genre. « Ce n’est pas de l’athlétisme » comme l’a souligné le comédien Chris Rock, en raillant l’absurde séparation par genre du prix décerné au « meilleur acteur » aux Oscars 2016. Mais j’apprécie qu’Architectural Review aborde ainsi cette question de l’inégalité des chances. L’éditrice d’Architectural Review, Christine Murray, à l’origine de cette remise de prix, parle d’accroître la visibilité des femmes dans l’architecture, partout dans le monde, et d’inspirer des changements, pour appeler d’une seule et même voix à la diversité et à l’égalité. Elle espère qu’à l’avenir, les récompenses par genre ne seront plus nécessaires.


Entretien réalisé par Anastasia de Villepin

 

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Your reactions (2)

  • Un architecte, the , wrote:

    Il est déplorable qu’AA puisse publier des coups-de-gueules si décousus en termes de fond et de formes, et si peu constructifs en termes d’analyses problématiques. Le propos est réducteur voire caricatural, le style est assez bas et surfe sur des généralités partagées par la profession, tout en s’adressant, paradoxalement, à la profession elle-même : mais quel est l’enjeu, quelle est la prise de risque, quel est l’intérêt d’un tel propos ? Je pense au contraire qu’il faut arrêter de se regarder le nombril en se plaignant, et relever la tête, prendre de la hauteur, regarder l’horizon, et très concrètement s’inspirer aussi des autres professions et situations internationales ; pour enfin arrêter de déprimer sur nos petits privilèges perdus, notre petite situation en déclin ; pour pouvoir ré-inventer un métier qui nous convienne et qui fasse sens à échelle sociétale, et en finir avec la tentation d’écrire et de publier des brûlots sans intérêts comme celui-ci.

  • ATPV Concept, the , wrote:

    OUI!…
    Les réalisations « modernes » de nos habitats urbains doivent servir de « refuge » et de « vitrine » à la biodiversité…
    Il faut amplifier la végétalisation de nos façades, nos balcons, nos toitures et remettre à sa place la plante dans tous les programmes d’aménagements…
    Les luttes contre les réchauffements, la pollution, le stress, l’esthétisme de nos quartiers et nos villes passent par la plante dans toute sa diversité variétale et ses palettes de formes et couleurs…
    Oui, la ville de demain, est et sera un refuge pour les plantes et les insectes « utiles »…
    Les collections végétales amènent des choix multiples et fleurir nos villes c’est aussi accueillir et intégrer les habitants aux évolutions de leur « quartiers »
    Le mieux vivre de demain, dépend des décisions et des réalisations d’aujourd’hui!…
    Je pourrai faire un livre…
    Voir ATPV Concept sur moteurs de recherches…