Cap sur l’Arizona avec Coline et Capucine Madelaine vers la région de l’incontournable Grand Canyon, autour duquel gravitent des « monuments » de l’architecture américaine, entre constructions vernaculaires, œuvres de créateurs de renom et étranges bourgades suspendues dans le temps…

Photos et légendes de Coline et Capucine Madelaine.

À première vue, les falaises calcaires du Beaver Creek Canyon n’ont rien de très spécial. Et pourtant ! À y regarder de plus près, on s’aperçoit que les trous qui en ponctuent les parois n’ont rien de naturel : ici, on repère le reste d’une poutre en bois, là, quelques pierres de maçonnerie… Construit majoritairement en terre au début du XIIIe siècle par les peuples de la tribu Sinagua, le « château » de Montezuma (du nom du dernier roi des Aztèques, pourtant sans relation avec les ethnies locales) est en réalité un « complexe d’habitation multifamilial », regroupant plus d’une vingtaine de pièces sur cinq étages… Considéré comme l’un des vestiges les plus anciens et les mieux conservés d’Amérique du Nord, le Château de Montezuma fut l’une des premières constructions des États-Unis à être classées monument historique. Aujourd’hui, si la plupart de ses secrets ont été percés, le village troglodyte continue d’intriguer scientifiques et touristes…

Perchée à plus de 1500 mètres sur le sommet de la colline Cleopatra avec une vue imprenable sur la « Verde Valley », Jerome fait partie des nombreuses « ghost cities » des États-Unis. Florissante dans les années 1920, la ville a périclité en même temps que son activité minière (affaiblie par la Grande Dépression puis par la Seconde Guerre mondiale), jusqu’à passer de plus de 15 000 habitants (et du rang de 4e plus grande ville d’Arizona) à moins d’une centaines d’âmes… Si la bourgade a été sortie de sa torpeur il y a une trentaine d’années par l’arrivée de nombreux artistes et l’afflux de touristes attirés par les galeries, les caves à vins et les bed and breakfast, les étranges ruines qui en ponctuent encore les rues donnent l’impression que Jerome a été suspendue dans le temps…

Taliesin West, résidence d’hiver de Frank Lloyd Wright, est devenue une icône au milieu du désert d’Arizona. Le lieu est construit à la fin des années 1930, à la sueur du front de l’architecte et de ses « disciples », avec qui Wright commence à développer des méthodes d’enseignement basées sur l’expérimentation et le « faire ». À l’époque encore peu fortunée, l’équipe, installée sur le site dans des campements sommaires sans eau ni électricité, a recours à des matériaux locaux (en particulier le sable du désert et d’énormes roches extraites de la montagne voisine). Souvent considérée comme le berceau des Design-Build Studios, l’école d’architecture de Taliesin West est aujourd’hui toujours active…

 

Si dans la journée les étudiants travaillaient dur sur le chantier, ils devaient le soir « apprendre les manières mondaines », en participant à des réceptions et soirées huppées, fréquentées par les amis influents de Wright. Comme le reste de Taliesin, la salle de réception (à gauche) et le cabaret (à droite), à la décoration très travaillée, regorgent de détails témoignant de la « patte » de l’architecte, aux goûts et influences très marqués. On y retrouve, entre autres, le rouge (sa couleur favorite), omniprésente dans chacun des bâtiments de la propriété, ainsi que des objets traditionnels et exotiques que Wright ramenait de ses nombreux voyages en Orient (estampes et peintures japonaises, sculptures de bouddha, céramiques chinoises récupérées en miettes et reconstituées avec patience par des apprentis) ou glanait sur le site et ses alentours (pierres marquées de pétrographes amérindiens).

Fondé en 1970 par l’architecte italien Paolo Soleri au coeur du désert, le laboratoire urbain d’Arcosanti est toujours actif : une communauté, regroupant tous les âges et toutes les origines, continue à faire évoluer le lieu, sans cesser d’appliquer les principes d’« arcologie » (fusion entre l’architecture et l’écologie) développés par Soleri. Ces résidents, venus pour une semaine, un mois, un an ou plus, se répartissent les tâches en fonction des intérêts de chacun (construction, accueil des touristes, agriculture, artisanat, maintenance, enseignement, communication…) et se réunissent chaque semaine pour prendre les décisions nécessaires au bon fonctionnement du groupe. L’endroit, chaleureux, accueillant et animé, semble encore très emprunt de l’influence de Soleri, tant au niveau de l’architecture que du mode de vie qu’elle abrite.

La principale ressource économique d’Arcosanti repose sur la vente des célèbres « cloches à vent » en bronze et en céramique, fabriquées par les résidents. L’atelier, situé dans un demi dôme typique de l’architecture du lieu, est ouvert à tous ceux qui souhaitent participer à la production. Après quelques temps sur place, chacun sait qui a fabriqué chacune des cloches, accrochées un peu partout, du plafond du restaurant, aux cyprès et aux oliviers du jardin italien aussi splendide qu’incongru de Soleri. Comme pour la construction des bâtiments et espaces urbains, l’idée est ici de démocratiser l’apprentissage des techniques artisanales, en se formant sur le tas, par la pratique et l’expérimentation.

Malgré quelques vestiges des Premières Nations, les États-Unis ne témoignent pas d’une histoire et d’une culture architecturales très anciennes (les plus vieilles réalisations commencent au XVe avec la colonisation, mais la plupart des villes ne possèdent que peu de constructions centenaires), quand elle regorge de « monuments paysagers » vieux de millénaires. Et si ceux-ci fascinent autant (le Grand Canyon est l’un des parcs les plus visités du pays), c’est aussi qu’ils constituent le berceau des civilisations qui, depuis les peuples Autochtones et premiers colons espagnols, ont habité et transformé les terres parfois inhospitalières du pays…

 

Vous pouvez suivre le voyage de Coline et Capucine sur leur tumblr ainsi que sur leur page Facebook.