© Cidade Matarazzo
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Architecture

Jean Nouvel : « J’ai imaginé l’antithèse des tours de São Paulo »

Revitaliser la ville par la culture, la nature, le tourisme et le commerce, sans négliger l’intégration urbaine et sociale, et en promettant un transfert de compétences d’une portée inédite : telles sont les ambitions portées par la Cidade Matarazzo, projet immobilier d’un nouveau genre qui s’érigera sur un site de 5 hectares au coeur de São Paulo d’ici 2020. Pour la tour qu’il dessine au sein de ce projet, Jean Nouvel a choisi son contexte. Plutôt que les grands immeubles impersonnels de la ville, il a préféré privilégier le rapport à la nature exubérante de São Paulo. Aujourd’hui parvenue à mi-hauteur, cette construction qui atteindra 93 mètres de haut accentue, autant qu’elle le prolonge, l’esprit d’un lieu.

L’Architecture d’Aujourd’hui : Pourriez-vous nous raconter comment a débuté votre histoire à Matarazzo ?
Jean Nouvel : C’est avant tout l’histoire d’une amitié avec Alexandre Allard. J’avais travaillé, pour lui, sur un projet de maison en Suisse. Nous avions également mené de concert une proposition pour l’aménagement de l’Hôtel de la Marine, à Paris, place de la Concorde. Peu après avoir fait l’acquisition de la maternité Matarazzo à São Paulo, il m’a contacté pour développer un autre projet ambitieux. Il voulait créer, à cet endroit, un immeuble de grande hauteur réunissant un hôtel de luxe et des appartements.

AA : Comment avez-vous appréhendé le contexte pauliste qui cerne le site, en partie composé de tours anonymes ?
JN : Ce qui m’a avant tout frappé, ce sont les tours qui encerclent cet ensemble ; elles n’ont absolument rien à voir avec cette maternité. Ces immeubles de grande hauteur ne sont, en outre, caractéristiques d’aucune ville. Je n’y vois que la reproduction d’un mode international, d’une architecture parachutée sans conscience du lieu. Je n’ai voulu aucun lien avec les tours voisines. Quand on approche Matarazzo, quand on pénètre dans le lieu, on est très tôt frappé par le microclimat qui y règne. Ses grands arbres en font un espace protégé particulièrement inspirant. J’ai donc choisi de prolonger l’esprit du lieu, l’esprit de ce petit paradis fait de grands arbres. Il fallait alors trouver une cohérence et développer une humanité. En d’autres termes, il me paraissait important de relativiser la présence des tours. J’ai donc imaginé leur antithèse. Il devait en aller, à mon sens, d’un prototype unique, d’une architecture douce. C’est pourquoi j’ai souhaité, entre autre, mettre en oeuvre du bois.

AA : Alexandre Allard affirme sa volonté de mettre en avant, à travers ce projet, les savoir-faire locaux. Comment avez-vous interprété ce désir dans votre projet ?
JN : Nous avons voulu, dans le cadre de cette tour, travailler le bois mais aussi le béton, un béton brésilien. Nous avons également souhaité qu’il soit teinté dans la masse en choisissant un gris foncé alors que le béton n’est pas automatiquement gris, c’est le ciment qui détermine sa nature. Nous voulions par ce choix répondre à un climat et à des couleurs plutôt qu’à une modernité brésilienne. Même si j’ai recherché des caractéristiques d’ouverture et de cadrage, même si j’aime l’oeuvre d’Oscar Niemeyer, ce projet ne cherche pas à rendre hommage à cette modernité. Cette tour ne pouvait pas être, dans sa structuration, un immeuble des années 1960… Ici, en la regardant, je peux affirmer que je suis quelque part.

AA : Quelle forme avez-vous donc imaginé pour cette tour ?
JN : Dans sa volumétrie, la tour développe d’abord une assise au sein du jardin. Je l’ai ensuite imaginée, à mesure des étages, de forme pyramidale. Cette proposition permet de créer de nombreuses terrasses arborées. Je suis par ailleurs opposé à ces immeubles – plus encore à ces tours – qui reproduisent quatre façades identiques. J’ai donc, pour ce projet, pensé en terme de différenciation. La façade la plus ouverte est située côté parc. Elle présente de larges et profondes terrasses arborées. Face à la ville, la tour se montre beaucoup plus abrupte. Elle ouvre un dialogue avec les immeubles alentours. Cette relation est marquée par l’usage du béton teinté dans la masse. Les deux autres côtés, à l’est et à l’ouest, sont plus équilibrés. Des loggias s’y déploient sur toute la hauteur. Elles sont habillées de brise-soleil en bois dont les trames variées se croisent. Par cette superposition, nous créons un jeu d’ombre particulièrement riche qui participe à l’identité du lieu et répond à la pénombre du parc.

Cet entretien mené par Jean-Philippe Hugron est extrait du hors-série AA projects « Cidade Matarazzo, recyclage urbain » paru en mars 2019 et disponible sur notre boutique en ligne. 

© Cidade Matarazzo-AJN
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  • Kristof, the , wrote:

    Merci pour cet article inspirant !