Le déchet, matériau d’architecture
Qu’une architecture soit faite de déchets, pourquoi pas ? Mais qu’est-ce qu’un déchet ? Car il n’implique pas systématiquement la mise en oeuvre d’une stratégie de réemploi. Défi technique et juridique, quelques agences d’architecture ont choisi de le relever… Celles qui osent la diversification. Une enquête de Jean-Philippe Hugron, parue dans le numéro 435 de L’Architecture d’Aujourd’hui, à retrouver sur notre boutique en ligne.
Le déchet peut-il être aussi matière d’architecture ? Au palmarès du dernier Prix européen d’architecture Philippe Rotthier figurait, aux Philippines, un village de pêcheurs, autrefois nomades, et qui, désormais sédentarisés par la force d’une société, ont été odieusement mis au ban, rebus parmi les détritus. D’une situation alarmante, Christophe Cormy Donat a fait son sujet de diplôme à l’École spéciale d’architecture. Intéressé par les constructions vernaculaires, il s’est orienté vers l’étude d’un habitat sur pilotis, construit sur les mangroves de l’île de Leyte. Sur place, il a découvert une mer polluée et des plages couvertes d’ordures. En organisant des collectes de déchets plastiques dans les écoles et les églises, mais aussi en invitant la population à récupérer les reliques de la vie moderne drainées par les flots, il propose la création de parois extérieures et intérieures à partir de ces matériaux. Nettoyés, découpés, transformés en fils, plastiques et toiles de parapluie sont tressés selon des techniques locales.
À Isabel, sur l’île de Leyte aux Philippines, Christophe Cormy Donat a travaillé avec la population des Bajau afin de concevoir des bâtiments dont les murs sont tressés de fil de plastique recyclé.
Voilà donc une séduisante opération qui a su attirer les louanges de tout un jury. Mais l’Occident des bobo-hipsters accepterait-il, quant à lui, de vivre entre des murs de déchets ? Qu’en serait-il, ici, d’une architecture faite d’ordures ?
L’architecte Paul-Emmanuel Loiret, dont l’agence Joly‑Loiret se montre à la pointe du sujet depuis l’exposition Terres de Paris, présentée en 2016 au Pavillon de l’Arsenal, à Paris, apporte des précisions : « Si une terre est utilisable pour la construction et qu’elle est extraite du terrain où elle sera ensuite mise en oeuvre, il s’agit d’une ressource. Si en revanche, elle n’est pas utilisée et quitte les limites de propriété, elle devient un déchet », résume‑t‑il. À ses yeux, le cadre juridique devrait être repensé, mais, ressource ou déchet, cette nuance « ne change pas grand-chose pour un architecte ».
Parmi les pratiques de recyclage de terres excavées présentées dans l’exposition Terres de Paris en 2017, au Pavillon de l’Arsenal, figurait le Centre d’interprétation du Patrimoine Archéologique d’Alsace Bossue à Dehlingen, de Nunc Architectes (à droite).
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Retrouvez la suite de cette enquête dans le numéro 435 de L’Architecture d’Aujourd’hui — Matière et matériaux — disponible sur notre boutique en ligne.