Une question de survie
L’espace n’est plus un luxe,
mais une question de survie
Que nous enseignera le confinement et la crise sanitaire que nous traversons ? Quelques architectes s’aventurent à répondre. Voici le pari de Thomas Saint-Guillain, fondateur, avec Julie Fernandez, de l’agence parisienne Log architectes.
La crise pandémique que nous traversons, quelle que soit son issue, va durablement changer nos usages et nos modes de vie. Elle porte un coup brutal à la structure spatiale et temporelle de notre quotidien. La vitesse-machine qui s’est peu à peu imposée à nos sociétés est brutalement stoppée par le confinement, et la promiscuité étouffante des métropoles est remise en question par le « social distancing ».
Que nous parvenions rapidement à l’abolir ou que nous devions nous y habituer, ce nouveau régime temporel et spatial implique des changements radicaux dans notre manière de concevoir et de penser les objets, l’architecture, la ville, l’organisation territoriale et globale de nos sociétés. C’est un énorme chantier de réflexion pour les architectes, mais aussi une remise en question fondamentale des priorités de leurs commanditaires.
La pandémie met à nu le régime de l’économie linéaire. Face aux risques de santé publique, les constructions humaines ne peuvent plus se limiter à une justification financière. Elles sont forcées par cette crise à entrer dans un développement durable au sens propre, sans quoi l’ensemble de l’édifice s’écroulera, détruit par cette crise ou la suivante.
La matérialité synthétique de notre environnement construit participe à la contagion, et doit être questionnée. L’espace n’est plus un luxe, mais une question de survie. L’habitat humain, s’il devient périodiquement lieu de confinement, doit retrouver les valeurs humanistes qui privilégient le confort plutôt que la rentabilisation du foncier. Il doit nécessairement améliorer la santé des individus pour le bien du groupe, inclure des espaces extérieurs individuels.
Si le « social distancing » devient la règle [1], l’ensemble des lieux de vie va devoir s’y adapter ; les lieux et pratiques de travail devront remettre de la distance entre chacun, les espaces de vie sociale intégrer cette distance minimum à leurs usages et donc à leur forme.
Autant d’usages, autant de transformations spatiales possibles, qui seront porteuses de progrès quelle que soit l’issue de cette crise.
Rien ne redeviendra normal, et c’est certainement la meilleure chose qui pouvait arriver.
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[1] « We’re not going back to normal », Gideon Lichfield, MIT Technology Review, 17 mars 2020.
L’auteur expose la thèse d’un groupe de chercheurs du Imperial Collège London. L’hypothèse est que le virus serait effectivement contenu par une série de mesure restrictives drastiques en deux mois environ, la courbe de contamination descendant fortement pour atteindre un pourcentage de la population réduit ; s’ensuivrait une période où ces mesures seraient partiellement ou totalement levées, provoquant une reprise forte des contaminations jusqu’à un nouveau pic atteint en un mois, enclenchant la remise en place des mesures de lutte contre la contamination. Cette organisation devrait être mise en place pour 18 mois au minimum, ce qui correspond au temps minimum nécessaire à l’élaboration d’un vaccin.
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Thomas Saint-Guillain pour L’Architecture d’Aujourd’hui, mars 2020.
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