Confiné.e.s : Séméio
Face au confinement imposé à tous pour contrer la propagation du virus Covid-19, nombre d’architectes ont dû adapter leur pratique et leur méthode de travail à ce nouveau rythme de vie. La série « Confiné.e.s » leur donne la parole, en interrogeant leur vision de la situation — mais aussi leurs recommandations culturelles. Aujourd’hui, les réponses des architectes Carine Deschamps, Ivan Le Garrec, Paul Jubert, Andreina Risi et Silvère Weiss, associés de l’agence Séméio Architecture, basée à Montreuil et à Lyon.
L’Architecture d’Aujourd’hui : Où êtes-vous confinés et comment vous êtes-vous organisés pour poursuivre votre activité ?
Séméio : Toute l’équipe de Séméio est repartie chez elle avec chacun son poste de travail. L’hypothèse avait été anticipée d’un point de vue logistique et informatique, la mise en place du télétravail n’a pas été très compliquée. Nous assurons au quotidien la gestion de l’agence et le bon développement des projets via les réseaux. Nous sommes d’ailleurs impressionnés par l’implication de tous pour faire avancer chaque projet malgré la distance.
Confinement et architecture sont-ils antinomiques ?
On peut s’accommoder des contraintes du confinement pour quelques semaines, les études architecturales se planifiant sur de longues durées. On peut aussi espérer de cette retraite forcée un travail d’introspection, de recherche. Mais l’architecture est un travail avec une forte dimension collective et sa finalité est le projet construit qui passe par le chantier. L’architecte se nourrit de l’émulation d’une équipe, de rencontres et a besoin d’arpenter les lieux dans lesquels il est amené à construire.
Quelles leçons pensez-vous tirer de l’impact écologique de cette crise ?
La liste est vertigineuse ! Nombreux sont les avantages à avoir été identifiés depuis quelques semaines. Les courbes des graphiques de pollutions atmosphériques sont en chute libre, la nature reprend ses droits dans des zones urbaines, l’acoustique en ville prends des airs de campagne, les sons, les odeurs… Ce n’est pas une crise (une crise c’est bref et guérissable) c’est un coup de tonnerre annonciateur de cataclysmes à venir encore plus terribles si nous ne réagissons pas de manière radicale. Quelles leçons en tirer si ce n’est qu’il faut nous préparer à des révisions douloureuses de nos modes de vies. En tout cas l’engagement de l’agence dans la responsabilité écologique en sortira renforcé. Le bâtiment est l’un des plus gros pourvoyeurs de pollutions et en tant qu’architectes, nous devrons jouer un rôle essentiel pour éviter le retour des mauvaises habitudes. Mais nous n’y arriverons pas seuls. Cette démarche devra être accompagnée d’une aide des collectivités publiques, d’un combat contre les lobbies multinationaux au profit des circuits courts et d’un redéploiement de compétences locales visant à exploiter les grandes ressources que recèlent notre pays. À ce titre, l’innovation écologique pourrait contribuer à innerver des bassins d’activité aujourd’hui souffrants ou éteints.
Un film à voir, un livre à lire pendant le confinement ?
La Légende des montagnes qui naviguent de Paolo Rumiz, L’insoutenable légèreté de l’être de Kundera, L’œuvre au Noir de Marguerite Yourcenar, Singin’ In The Rain, La Dolce Vita de Fellini et des BD : Le Photographe de Didier Lefèvre, Emmanuel Guibert et Frédéric Lemercier et La Lune est Blanche de François & Emmanuel Lepage.
Un compte à suivre sur les réseaux sociaux ?
Sur Instagram : Nuts_about_birds et philippetretiack, et sur tous les réseaux : fosterandpartners.
Qu’espérez-vous de cette expérience ?
Ivan Le Garrec : En sortir vivant avec une conscience encore plus intense du caractère miraculeux de la vie et l’envie que nos projets en soient le témoignage construit.
Carine Deschamps : Un changement radical quant à la l’importance de l’enseignement, de l’apprentissage et de la formation dans notre société, c’est grâce en grande partie à cet enseignement que le monde peut évoluer.
Silvère Weiss : Repenser notre façon de travailler au sein de l’agence, gagner du temps pour soi, combiner voyages culturels, télétravail et lieu de travail commun disponible, convivial, propice à la transmission du savoir des uns et des autres !
Paul Jubert : Un retour à l’essentiel.
Andreina Risi : Une impulsion bienveillante et positive, nous sommes tous prêts à plus de volonté et d’énergie.
Quel impact a ce confinement sur la perception de votre espace de travail et, inversement, de votre espace domestique ?
Ivan Le Garrec : Les deux sont formidables !
Carine Deschamps : Le calme, c’est bien pour travailler, non ? Et pour l’espace domestique, du moment que l’on est avec ses proches, il est multiforme.
Silvère Weiss : J’associe mon espace de travail aux rencontres et aux relations humaines qui évidemment manquent en cette période de confinement. Pour le reste, un ordinateur s’accommode tout à fait de la table basse du salon, au cœur de la vie de la famille.
Paul Jubert : La distinction claire entre espace de travail et espace domestique garantit un bon équilibre… Mais le confinement a eu raison de moi. Et ça fonctionne ! L’espace de travail est constitué d’un tas d’outils que la technologie a su rendre mobile et disponible (ordinateur, téléphone, internet, visio…). Mais quoiqu’il en soit, l’expérience confirme qu’il faut maintenir une frontière entre espace domestique et espace de travail.
Andreina Risi : L’occasion d’une redécouverte positive !
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Le site de Séméio.
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