© Martin Argyroglo
© Martin Argyroglo

Architecture

De bon augure, Tadashi Kawamata à Nantes

« Créer un point de vue sur la ville. » C’est à cette invitation de Jean Blaise, directeur artistique du Voyage à Nantes, qu’a répondu Tadashi Kawamata en 2019. Pour la ville, l’artiste a conçu un belvédère surplombant la Loire, entre défi technique et élan paysager, introduit par dix nids éphémères disséminés dans le tissu urbain. 

Cet article fait partie du dossier paru dans le n° 438 de L’Architecture d’Aujourd’hui qui, pour son numéro de rentrée, a convié l’artiste japonais Tadashi Kawamata en tant que rédacteur en chef invité.

Chaque été depuis 2012, la capitale ligérienne organise Le Voyage à Nantes, un événement culturel désormais réputé, invitant plusieurs artistes contemporains à installer dans la ville des oeuvres permanentes. En 2019, la sélection compte Tadashi Kawamata. L’artiste est familier de la région : il avait créé, en 2007, au coeur d’une zone marécageuse à Lavau-sur-Loire, une passerelle de 800 mètres de long, ainsi qu’un observatoire, dans le cadre du programme Estuaire, une collection publique d’oeuvres d’art contemporaines installée à Nantes, Saint-Nazaire et sur les rives de l’estuaire de la Loire. « À Nantes, j’ai été invité à créer une structure permanente, mais sans rien de vraiment défini. Jean Blaise souhaitait partir de l’idée d’une promenade. »

Tadashi Kawamata. Structure du belvédère. Nantes. 2019. © Martin Argyroglo - LVAN
Tadashi Kawamata. Structure du belvédère. Nantes. 2019. © Martin Argyroglo – LVAN

Installée depuis un an le long du quai Marquis d’Aiguillon, la structure du belvédère, en métal et bois, pèse une vingtaine de tonnes.


C’est donc au sommet de la butte Sainte-Anne, dans la partie ouest du centre-ville qui surplombe la Loire, que vient se poser l’oiseau Kawamata. Pas de nid ici, pourtant : « Je tenais à ce que l’oeuvre vienne étendre la butte et ainsi que le public soit vraiment en suspension dans l’air. Ce n’est pas tant un nid qu’une structure qui sort de la falaise pour la prolonger. » L’œuvre en tout mesure 36 mètres de long : avant d’arriver au belvédère suspendu au-dessus de la falaise à 20 mètres du sol, le promeneur passe par un chemin de bois, rectiligne et encadré de palissades. Un couloir qui donne au belvédère des allures de proue de navire.

Bateau ou vaisseau, d’un point de vue technique, l’identification de l’oeuvre de Tadashi Kawamata a dû suivre des sentiers plus terre à terre. « Un des défis du projet était, avant tout, de caractériser l’oeuvre de l’artiste », raconte Laurence Pérotin, ingénieure et cheffe de projet pour Nantes Métropole, maître d’ouvrage du projet. Terrasse ? Passerelle ? Pont ? « Nous avons finalement opté pour “ouvrage d’art”. Faire rentrer le projet dans une typologie donnée a permis aux ingénieurs de s’appuyer sur des réglementations techniques garantissant la stabilité et la sécurité de l’ouvrage », ajoute Laurence Pérotin. Pour autant, pour la maîtrise d’ouvrage, tout est nouveau : « Nous devions réaliser quelque chose d’atypique dans les limites d’un cadre très réglementé ». Difficile, pour l’ingénieure, de se référer à un projet d’architecture classique, tant les données sont bouleversées. Un contrôleur technique présent dès la phase d’étude, un permis de construire qui se transforme en déclaration de travaux, car dans l’équipe de maîtrise d’oeuvre, nulle trace d’architecte.

Pour ce voyage « à la croisée des mondes » et des typologies, l’équipe sollicite des charpentiers, des métallurgistes qui, au fil des échanges avec l’artiste, mettent au point un squelette métallique, monté hors site et fixé d’un seul tenant à la falaise. Puis vient l’assemblage des poutres, conforme aux indications de Tadashi Kawamata – une fidélité rendue possible grâce, entre autres, à la modélisation en 3D préalable de la maquette initiale, qui a permis d’extraire et d’identifier chaque poutre nécessaire à la confection de l’oeuvre.

Étudier la géotechnique propre à la falaise, la prise au vent, l’altération du bois par l’évaporation du fleuve voisin… Ici, la technique souligne à quel point l’oeuvre, dans les moindres recoins de sa réalisation, est une réponse directe au paysage. Pour Jean Blaise, « Tadashi Kawamata est un artiste libre, un artiste in situ, qui est là pour interpréter un territoire et créer des formes qui, d’un coup, révèlent quelque chose. » Sur la butte Sainte-Anne, cet élan vers la Loire que représente le belvédère est indissociable des nids temporaires, disposés çà et là dans la ville par l’artiste, durant tout l’été 2019. « C’était pour moi essentiel d’avoir ces nids, pour porter le regard du promeneur et paver la voie jusqu’au belvédère. Ils fonctionnent comme des signaux urbains, des présages. Je voulais montrer qu’il se passait quelque chose là-bas, au bout de la ville. »


 

L’INTÉGRALITÉ LE NUMÉRO 438 D’AA
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