Les architectes racontent leur AA
Dans le cadre de son numéro d’anniversaire, AA offre la parole à quelques architectes contemporains, de France et d’ailleurs, qui évoquent leur(s) numéro(s) préférés et les raisons qui animent leur choix. Retrouvez l’intégralité de leurs témoignages dans le nouveau numéro n°439 AA et Paris : 90 ans de projets, disponible sur notre boutique en ligne.
N° 422, DÉCEMBRE 2017
Le choix de Salima Naji
Agence Salima Naji Architecte
Il n’y a pas une couverture plus qu’une autre. La toute dernière (AA 438) est emblématique de ce que je viens chercher : des lignes de traverse qui enrichissent, qui continuent de nourrir, de former. À chaque fois, l’image attrape notre regard pour mieux présenter une pensée parfois si proche de notre pratique, parfois plus lointaine, toujours captivante. À faire ce pas chassé rétrospectif, à chercher ce qui faisait sens dans notre quête de nourriture spirituelle quotidiennement, à balayer les numéros serrés ou épars dans sa bibliothèque, force est de constater que, finalement, je trouve davantage mon contentement dans les dernières formules : une image + une citation. Formule généreuse, non élitiste. Le AA 422 est sans doute l’un de mes préférés : «Ainsi il serait possible d’atteindre au sublime sans déployer des moyens extravagants ? » La citation de Gilles Perraudin sur ce mur éternel faisait écho à d’autres numéros et l’image agrégée renvoyait à Louis Kahn ou à ses émules, de Hassan Fathy à André Ravéreau.
N° 139, SEPTEMBRE 1968
Le choix de Manuel Núñez Yanowsky
Dans les années 1960, 1970 et 1980, AA était également publiée en russe pour les architectes de l’URSS. Je me rappelle ce numéro sur Claude Parent, sur ses projets et surtout, sa théorie sur le plan incliné. Il m’a beaucoup marqué. Je me rappelle mes confrères soviétiques qui me faisaient partager de merveilleux projets, ainsi que le contenu publié dans AA, qui leur donnait une idée assez précise, complète et réaliste de ce qui se passait d’un point de vue de l’architecture en Occident, derrière le Rideau de fer. Nous riions beaucoup, avec mes collègues soviétiques, parce qu’ici, dans l’Espagne franquiste des années 1960 et 1970, c’était la même chose : AA était notre Figaro, Le Monde ou L’Huma.
N° 91-92, AUTOMNE 1960
Le choix de Manuelle Gautrand
Manuelle Gautrand Architecture
Mes parents, architectes tous les deux, étaient abonnés à L’Architecture d’Aujourd’hui dès le début de leurs études. Je possède ainsi une très belle collection de vieux numéros de la revue, dont quelques-uns des 20 premiers, de vrais « collectors». Un de mes préférés est ce numéro double 91-92, «Panorama 1960 ». Aux côtés de pubs délicieusement désuètes, on trouve les projets et réalisations des plus grands, Mies van der Rohe, Le Corbusier, Arne Jacobsen, Louis Kahn, Ieoh Ming Pei, Buckminster Fuller, Eero Saarinen, Richard Neutra, Pier Luigi Nervi, Guillaume Gillet, etc. Toute une époque.
N° 435, MARS 2020
Le choix de Kengo Kuma
Kengo Kuma and Associates
C’est un numéro remarquable qui traite de la matière et montre l’importance des matériaux dans la réalisation d’une œuvre architecturale, plutôt que de traiter de la morphologie de la structure qui a dominé le monde de l’architecture au xxe siècle. Ce que révèle ce numéro, c’est la possibilité de se libérer de l’utilisation du béton et de l’acier, les matériaux phares du xxe. Notamment, ce qui m’a intéressé le plus, c’est la possibilité d’utiliser les déchets comme matériaux d’architecture.
N° 9, SEPTEMBRE 1938
Le choix d’Eva Prats et Ricardo Flores
Agence Flores i Prats Architects
Participant actuellement aux travaux de rénovation de l’ancien théâtre des Variétés, à Bruxelles, conçu par l’architecte belge Victor Bourgeois en 1937, nous avons découvert que Bourgeois faisait partie du comité de patronage de L’Architecture d’Aujourd’hui dans les années 1930 et 1940. À cette époque, trois numéros – octobre 1933, septembre 1938 et mai 1949 – ont été consacrés à la présentation de la culture des spectacles et du monde des théâtres, cinémas et music-halls. La couverture colorée du numéro d’AA de septembre 1938 est une invitation manifeste à rêver et à entrer dans la revue comme à travers les rideaux d’un théâtre… C’est donc le 90e anniversaire d’AA? Toutes nos félicitations!
N° 179, MAI-JUIN 1975
Le choix de Paolo Portoghesi
Je suis ravi de participer à cette réflexion sur le rôle culturel de cette revue, indissociable de la naissance et du développement de l’architecture moderne. J’ai commencé à lire AA lorsque j’étudiais l’architecture à Rome, dans les années 1950. C’était la revue «européenne» par excellence et pour l’Italie, après vingt ans de nationalisme dominant, c’était l’expression d’une certaine manière de voir l’architecture, attentive à l’identité et à la diversité des lieux et en même temps, en lien avec les avancées de la période «héroïque» de l’architecture moderne. Ma génération, celle de Gabetti, Aymonino, Rossi, Canella, est née avec la vocation de revisiter, dans une approche philologique, la naissance de la modernité. J’ai eu la chance de pouvoir acheter les premiers millésimes de la revue chez un antiquaire, quand elle était encore reliée par sa spirale métallique légendaire. Je garde le numéro 10 de la quatrième année, dédié à Le Corbusier, dans ma bibliothèque, à côté de la première édition du Quattro Libri de Palladio, de la première édition d’Eupalinos de Valery et de l’Opus Architectonicum de Borromini.
N° 360, SEPTEMBRE-OCTOBRE 2005
Le choix de Guillaume Aubry, Yves Pasquet, Cyril Gauthier
Freaks Architecture
Bon anniversaire AA ! En cherchant dans les anciennes couvertures, on est tombés sur celle-là, fantastique ! Ça fait vraiment du bien de voir une revue qui peut parler sérieusement d’architecture tout en étant capable de prendre une distance critique et ironique. L’image de l’architecture / des architectes a toujours été l’un de nos centres d’intérêts principaux. Par volonté et besoin d’autocritique d’abord, mais aussi et surtout pour appréhender notre métier avec recul (on espère), avec esprit (on y travaille) et en tout cas avec humour (là-dessus on est pas mal, non ?).
N° 400, MAI 2014
Le choix de Martha Thorne
Executive Director of The Pritzker Architecture Prize & Dean of the IE School of Architecture and Design
Le rôle d’AA dans le monde de l’architecture consiste à nous interroger et à nous encourager à voir les choses sous différents angles. En s’intéressant au rôle des publications dans son numéro 400, à la couverture purement graphique, AA nous prouve une fois de plus que cette revue ne craint pas d’aborder des sujets complexes, de soulever des questions majeures, et surtout, de veiller à ce que l’architecture, sous tous ses aspects, reste d’actualité au XXIe siècle.
N° 355, NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2004
Le choix de Yung Ho Chang
FAIA, Principal of Atelier FCJZ
Je pense que la première fois que j’ai vu votre revue, L’Architecture d’Aujourd’hui, c’était chez moi, à Pékin, à la fin des années 1970. Mon père, Zhang Kaiji, qui était lui aussi architecte, avait rapporté quelques numéros à la maison après sa collaboration à une exposition sur l’habitat en Chine, au Centre Pompidou à Paris. Aujourd’hui, les plus anciens numéros d’AA que je trouve dans mon bureau sont le numéro 352 de mai-juin 2004, dans lequel notre travail a été publié à la rubrique Actualités, et le numéro 355 de novembre-décembre 2004, où notre recherche sur les rues de Pékin figurait en page de couverture!
N° 284, DÉCEMBRE 1992
Le choix d’Aldric Beckmann
Agence Aldric Beckmann Architectes
Depuis plus d’un siècle, nous pouvons apprécier des échanges réguliers et fructueux, mais prudents, entre les arts visuels et l’architecture. Sous la forme d’affluences diverses, les deux disciplines cherchent à se nourrir réciproquement malgré une grande timidité. Les processus de conception réciproque, les vocabulaires empruntés permettent de transcender la forme, la matérialité et l’atmosphère des lieux ou des installations. Par de nombreuses expériences, l’hybridation des disciplines reste incertaine et engendre des réactions subjectives, comme aime à le rappeler Le Corbusier. À partir de cet état de fait, à travers deux numéros très riches, L’Architecture d’Aujourd’hui a cherché, en 1992 et 1993, à comprendre comment se réalise le transfert des savoirs et quels sont les processus créatifs mis en œuvre. En effet, comment l’architecture s’inspire-t-elle de l’art, et réciproquement, comment l’art s’inspire-t-il de l’architecture?
N° 379, SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010
Le choix de Dominique Perrault
Agence Dominique Perrault Architecture
Si je devais évoquer un numéro de l’incontournable revue L’Architecture d’Aujourd’hui, je choisirais naturellement le 379, paru en 2010, pour lequel j’avais eu la chance d’être invité à jouer le rôle de rédacteur en chef. Conçu à l’occasion de la douzième Biennale d’architecture de Venise, il présentait en couverture une carte imaginaire de ville, composée d’un patchwork d’images, photos de villes et de projets urbains. À travers le regard croisé de plusieurs architectes et acteurs de la ville, de la culture et de la création, tels que Kazuyo Sejima, Felice Varini ou encore Frédéric Mitterrand, il posait la question «Qu’est-ce qu’une métropole? » et prolongeait l’exposition Metropolis? du pavillon français, pour lequel j’avais été nommé commissaire. À Venise étaient présentées quatre métropoles françaises, Bordeaux, Lyon, Marseille et Nantes-Saint-Nazaire, invitées au regard du Grand Paris. Le numéro d’AA offrait aussi un point de vue sur les villes de Bogota, Singapour, Mumbai ou Sao Paulo.
N° 411, MARS 2016
Le choix de Pascale Dalix et Frédéric Chartier
Agence ChartierDalix
Le numéro 411 rendait hommage à Claude Parent, l’architecte des parcours, de la minéralité poétique, de la fonction oblique, qui, dans cette affiche de 1972, choisit de crier en 4 par 3 sur les Champs-Élysées la puissance créatrice de la nature qui colonise « pavé, goudron et ciment ». La nature comme le commun des « habitants des banlieues » et la ville comme une traduction physique d’un nouvel équilibre. Ce slogan comme un appel aux architectes, d’hier et forcément d’aujourd’hui, à tenter les combinaisons, à forcer les situations… Bref à construire des « villes passionnantes » comme disaient les lettristes vingt ans plus tôt.
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