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Architecture

Groupe-6 et GD Architectes, histoire d’un projet franco-suisse

En janvier 2021, L'Architecture d'Aujourd'hui répond à l'invitation de la revue suisse Tracés pour la publication d'un tiré-à-part consacré au projet de l'hôpital Riviera-Chablais – livré en 2019 à Rennaz en Suisse par les architectes français de Groupe-6 et l'agence suisse GD Architectes. Cet entretien retrace l'histoire de ce partenariat transfrontalier, la genèse d'un programme remarquable et donne un aperçu des autres projets actuellement menés par ces deux agences d'architecture.

C’est en collaborant pour le projet de l’hôpital Riviera-Chablais, livré en 2019 à Rennaz en Suisse, que vos deux agences se sont rencontrées — comme vous le racontez dans le tiré-à-part coproduit par Tracés et L’Architecture d’Aujourd’huiComment s’est déroulée cette collaboration et comment avez-vous conjugué vos différents savoir-faire ?

Groupe-6 : Groupe-6 a une longue histoire dans les hôpitaux : l’agence a été créée il y a presque cinquante ans, autour du projet de l’Hôpital Thermal d’Uriage, un bijou de béton brut inspiré par le couvent de La Tourette. Alors que les cantons de Vaud et du Valais démarraient le programme du futur Hôpital Riviera-Chablais, son comité est allé visiter des hôpitaux étrangers, dont celui d’Arras, que nous avions livré en 2009. Et quand le concours du HRC a été lancé, nous avons approché GD. Depuis, nous avons fait plusieurs autres concours ensemble, pour l’hôpital d’Aarau, celui des enfants au CHUV, et celui de Bâle.

GD : Nous avons été contactés par Groupe-6 qui connaissait l’hôpital Pourtalès, à Neuchâtel. Nous avions remporté ce concours en 1989 avec un projet reconnu pour son insertion fine dans le contexte urbain. À l’époque, l’enjeu architectural, urbain, prévalait sur les enjeux techniques qui finissaient par se régler si le parti est intelligent. Aujourd’hui la valeur ajoutée de l’architecture semble être moins reconnue, et la commande en santé est trop souvent purement fonctionnelle ou économique.

à gauche : GD Architects | à droite : Groupe-6
à gauche : GD Architectes | à droite : Groupe-6

Nos lecteurs auront l’occasion de découvrir l’épopée de l’hôpital Riviera-Chablais dans le tiré-à-part dédié. Comment résumeriez-vous le parti pris général et les principaux enjeux du projet ?

Groupe-6 : L’hôpital Riviera-Chablais s’implante à l’entrée du petit village de Rennaz, dans la plaine du Rhône. La question du rapport d’échelle entre ce bâtiment imposant et le petit village s’est immédiatement posée, comme celle du lien avec le nœud autoroutier – une modernité agressive, presque vulgaire – et les montagnes.  De ces confrontations est née l’idée d’un hôpital –paysage sur quatre nappes superposées. Les deux premières sont techniques, et  au-dessus, la partie réservée aux soins. Comme une chartreuse, elle établit un lien avec le grand paysage, les montagnes, le ciel.

GD : Le bâtiment possède une grande modularité grâce à un système poteaux-dalles qui libère tous les plateaux. Nous avons beaucoup discuté du choix de la trame, fixée traditionnellement en Suisse à 8 m ou 8,50 m. Ici, nous l’avons fixée à 7,5 m, en nous fondant sur l’expérience française. Cette décision a été fondamentale, car elle se répercute ensuite dans tout le bâtiment. Ensuite, nous avons pensé ce bâtiment comme une ville, avec un système de cours, de places, d’axes principaux et secondaires, donc un concept distributif structurant. Une fois ces principes mis en place, le programme pouvait pratiquement évoluer de lui-même.

Groupe-6 : Le visiteur ne pénètre jamais dans la machine, il n’en voit pas le moteur. Il y a comme deux mondes parallèles, celui du personnel et celui, tout aussi important, de la vie des patients et du lien quasiment existentiel qu’ils tissent avec le paysage pendant leur convalescence. Il y a un côté très apaisant, presque spirituel.  Nous avons voulu faire disparaître l’ambiance traditionnelle de l’hôpital, lui donner une qualité domestique. Dans l’hôpital traditionnel, on trouve des remontées à gorge, des mains courantes, des gaines techniques, alors qu’ici, c’est simple, et c’est beau.

GD : C’est un hôpital qui ne ressemble pas à un hôpital. Depuis l’extérieur, on ne voit pas les fenêtres des chambres par exemple. Et c’est pareil à l’intérieur : quand vous arrivez, vous n’avez que deux étages à franchir, via un escalier très noble, et vous arrivez dans les chambres, « à la maison ». Cette configuration offre une grande qualité d’accueil par rapport au côté mécanique d’un dispositif uniquement desservi par des ascenseurs.

hôpital Riviera-Chablais, livré en 2019, que les agences Groupe-6 et GD Architects
Hôpital Riviera-Chablais, Suisse, 2019, Groupe-6 et GD Architectes, photographies ©Michel Denancé et Thomas Jantscher

Comment la pandémie actuelle a-t-elle selon vous impacté la conception d’hôpitaux et autres lieux dédiés à la santé ?

Groupe-6 et GD : Le monde entier est devenu un hôpital ! La pandémie a mis l’accent sur la vulnérabilité de nos villes et l’hôpital comme bien commun. Pour celui-ci, l’impact sera durable, sur le plan de la fonctionnalité hospitalière afin de tenir compte de ces prises en charge spécifiques liées aux pandémies, et également sur ses dimensionnements, son évolutivité, sa résilience. L’attention à la qualité de vie au travail des soignants est devenue prioritaire : cela pourrait amener à une commande en santé plus qualitative, souhaitons-le.

Pourquoi avoir choisi une publication bicéphale entre la revue suisse Tracés et la revue française L’Architecture d’Aujourd’hui pour ce tiré-à-part consacré à l’hôpital Riviera-Chablais ?

Groupe-6 et GD : Il est à l’image de notre équipe ! Nous souhaitions rendre visible ce projet en Suisse et en France, et cela nous a semblé naturel d’inciter à un partenariat entre revues comme nous l’avons construit entre nos agences. Nous avions des relations de confiance avec les deux équipes, et cela s’est avéré très simple. Nous avons eu la chance d’accueillir les auteurs Marc Frochaux, Christophe Catsaros Bruno Marchand et Stéphanie Sonnette pour visiter HRC, le plaisir de recevoir leurs textes qui se complètent bien. Et merci aux photographes Michel Denancé et Thomas Jantscher d’avoir contribué, par leurs regards, à la traduction de ce projet.

Pourriez-vous nous présenter en quelques mots les actualités de Groupe 6 et GD Architectes ?

Groupe-6 : L’année 2020 s’est terminée avec  la livraison de deux beaux projets, IntenCity siège de Schneider Electric à Grenoble et l’EMN/Cité numérique du Havre. Et 2021 commence bien avec celle du CRBS de Strasbourg ! On attend également au printemps les résultats du concours du Nouvel Hôpital Nord à Saint-Ouen, où nous sommes associés à OMA. Suspens…

GD : Deux belles réalisations ont caractérisé 2020, il s’agit d’un important projet pharmaceutique pour la société américaine Incyte et un projet plus modeste, mais délicat dédié à de l’habitat pour personnes âgées et une crèche pour une fondation privée. En 2021, le projet lauréat des Vernets à Genève, comptant plus de 500 logements devraient reprendre suite à la levée des oppositions, alors que nous attendons avec intérêt le résultat, en particulier, de deux concours, l’un pour le siège de la CSS à Lucerne et l’autre pour un espace d’accueil pour la manufacture horlogère de Cartier.

EMN Le Havre | Groupe-6 ©Jacques Bazile
EMN Le Havre | Groupe-6 ©Jacques Bazile

 

Habitat pour personnes âgées et creche à Marin-Epagnier (Suisse) ©GDArchitects
Habitat pour personnes âgées et creche à Marin-Epagnier (Suisse) ©GDArchitectes

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