Passés maîtres des scénarios prospectifs, le collectif américain Design Earth, mené par les architectes El Hadi Jazairy et Rania Ghosn, travaille depuis 2010 à projeter des préoccupations géopolitiques dans le champ de l’architecture et de l’urbanisme – multipliant les possibles développements du monde et de sa construction. Utopie ou dystopie, le choix est nôtre.

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Invité à la 17^e biennale d’architecture de Venise à participer à l’exposition du pavillon des États-Unis, Design Earth y expose The Planet after Geoengineering, une série de dessins, films d’animation et un roman graphique dépeignant différents scénarios de vie sur Terre selon les dérives des technologies climatiques actuellement à l’étude. « Le terme “géo-ingénierie” fait référence aux technologies qui neutralisent les effets du changement climatique anthropique en intervenant délibérément sur les systèmes terrestres. Les climatologues et les décideurs sont encore profondément divisés sur les formes de géo-ingénierie à poursuivre. »

Des profondeurs souterraines à l’espace extra-atmosphérique, les architectes rendent visibles ces controverses en cinq chapitres, chacun dessinant la Terre selon ces recherches climatiques : « Carbone pétrifié », « Albédo arctique », « Rivière céleste », « Tempête de soufre » et « Nuage de poussière ». Ce dernier chapitre relate les effets du « bouclier solaire », un dispositif imaginé par l’université d’Arizona en 2006, pour refroidir la Terre en cas d’urgence, constitué de 16 000 milliards d’écrans transparents de 60 cm de diamètre. Conduits par leur maîtrise de la narration et du dessin, les architectes de Design Earth racontent, depuis le futur, une science qu’on espère fiction.

« Un bouclier qui protège l’atmosphère de 2% du rayonnement solaire est promis à compenser les effets du réchauffement des émissions de gaz à effet de serre.

Une ombre spatiale géante orbite en équilibre à un point de Lagrange entre la Terre et le Soleil.
Le bouclier est une constellation artificielle de poussière provenant de mines d’astéroïdes géocroiseurs.

Le paysage de poussière est luminescent dans le ciel nocturne, déviant et diffusant une faible lumière.
Vous souvenez-vous des étoiles filantes qui traversaient les cieux ? »

« Les capsules vides croisent le chemin du dépotoir orbital des satellites de la Terre. De grands bras robotisés s’étendent pour frapper les capsules, comme avec une batte de base-ball, dans une autre traînée de poussière d’un million de kilomètres.

Les déchets compactés sont polis pour former une centrale solaire spatiale qui envoie de l’énergie vers la Terre.
Le rayon hélio est aussi un canon solaire qui concentre suffisamment de chaleur sur un point pour faire bouillir un océan ou brûler une ville.

La poussière et la fumée qui s’accumulent ternissent le ciel étoilé.
La déesse Respirateur insuffle le souffle de vie à la planète. »

« Je ne peux pas respirer.
Toutes les guerres contre la vie commencent par l’attaque des voies respiratoires.
Les espèces vivantes s’étouffent avec les dommages causés par le carbone que les humains infligent aux poumons de la Terre.

La terreur de la géo-ingénierie, c’est d’être obligé de vivre intimement avec la mort de l’atmosphère en envisageant la suffocation comme une possibilité réelle.
Des panaches de poussière se rapprochent lors d’une éclipse artificielle.
Une grande partie de l’humanité est prise dans l’étau des tempêtes de soufre et de poussière.

Des tourbillons de poussière balaient les terres arides.
Dustomonia ; elle hurle, elle couine et gémit.
Chaque coup produit plus de douleur.

La Terre mérite des soins palliatifs.
Bienvenue dans l’urgence climatique ! »

 

Design Earth
www.design-earth.org

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Pour qui les architectes américains construisent-ils ? Quelles sont leurs préoccupations ? Et quelles sont leurs réponses à la question posée par Hashim Sarkis pour la Biennale : Comment allons-nous vivre ensemble ? Telles sont les questions que pose L'Architecture d'Aujourd'hui dans son numéro consacré aux États-Unis, disponible sur notre boutique en ligne.