Clavé Fine Art : Kengo Kuma rencontre l’art
La galerie Clavé Fine Art, l’ancien atelier de l’artiste français César réhabilité par Kengo Kuma en 2017, a ouvert ses portes au public en 2020. Visite des lieux, accompagnée de son fondateur Antoine Clavé et de l’artiste Claudine Drai, lors de l’exposition D’âmes, organisée en octobre dernier.
Léa Balmy
Au 10b rue Roger, dans le 14e arrondissement de Paris, une grande porte grise remplace l’habituelle vitrine des galeries parisiennes. Derrière, une deuxième porte, blanche, immense, presque imperceptible, donne accès aux espaces signés Kengo Kuma. Une impression de paradis. En 2017, l’architecte japonais réhabilite l’ancien atelier de l’artiste français César pour abriter les archives de Antoni Clavé, artiste espagnol du XIXe siècle, grand-père de notre hôte Antoine Clavé. En mars 2020, le lieu accueille au rez-de-chaussée un espace d’exposition, les archives se dévoilent et la galerie ouvre ses portes au public sous le nom de « Clavé Fine Art ».
Lors de notre visite en octobre 2021, l’exposition en cours est la deuxième depuis l’ouverture de la galerie. D’âmes fait dialoguer deux artistes aux univers monochromes : les œuvres de papier de l’artiste française Claudine Drai et celles de ciment de Claude De Soria, sculptrice française disparue en 2015.
La lumière qui traverse la verrière donne une atmosphère particulière aux espaces et interagit avec les œuvres au fil des heures. Sans doute est-ce dû à la rénovation sur-mesure de Kengo Kuma qui, par-dessous l’ancienne verrière, a disposé des grilles de métal trempées dans du papier japonais washi. Fabriqué traditionnellement au Japon depuis le XIIe siècle, le papier washi a été ici mis en œuvre par l’artisan Yasuo Kobayashi avec qui Kengo Kuma avait déjà collaboré en 2007 pour le musée Suntory à Tokyo. Les formes créées par le papier séché ainsi emmaillé créée cette lumière tamisée et douce propre au lieu. Entre les œuvres exposées et le lieu, c’est une évidence : le papier blanc de Claudine Drai s’harmonise sans peine avec les parois de washi et les œuvres de ciments de Claude De Soria trouvent leur écho avec le sol bétonné.
« Les lieux nous attendent », annonce Claudine Drai en entrant dans la pièce. Une fois l’exposition parcourue en sa compagnie, elle raconte : « Les lieux sont comme des êtres, ils ont tous une âme ; les œuvres et la lumière aussi. Nos émotions sont liés à notre perception de l’œuvre dans le lieu ». Pour elle, l’architecture permet cette liberté du regard : le proche, le lointain, la perspective, l’intimité, la sensualité des lieux.
« Aujourd’hui, nous sommes submergés d’images. Il est difficile de ressentir, de s’émouvoir, au milieu du bruit. Mon œuvre cherche le silence du lieu : c’est l’âme, la méditation, la spiritualité, l’infini », ajoute-t-elle. Une philosophie que partagerait sans nul doute Kengo Kuma. Après 20 ans de pratique, Claudine Drai reste convaincue que l’architecture est faite pour s’allier à l’art. Elle l’a prouvé lors d’une récente collaboration avec l’architecte Vincent Parreira (AAVVP architecture) dans le cadre du programme « 1 immeuble 1 œuvre » co-fondé par le ministère de la Culture et le groupe Emerige : pour un ensemble de 70 logements dans le 13e arrondissement de Paris, rue de Tolbiac, elle concevra une œuvre de papier visible dans le hall du bâtiment. L’artiste se souvient des paroles de l’architecte : « Claudine, je ne toucherai jamais à vos œuvres, ça serait toucher à votre âme. ». En partant, je me réjouis de cette rencontre inopinée, elle me corrige : « La vie est faite de rendez-vous, jamais de hasard. »
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Pour plus d'informations concernant la prochaine exposition, rendez-vous sur le site de la galerie Clavé Fine Art.