Pavillon de bois
Ghali Bouayad est architecte diplômé en 2015 de l'ENSA Paris-La Villette et docteur au département d'architecture de l'Université des Arts de Tokyo (Geidai). En 2021, dans le cadre de l'exposition de fin de doctorat au Geidai, Ghali Bouayad expose un pavillon en bois de 80 m2 ainsi que l'ensemble de ses recherches sur l'art de l'ornement à travers la technologie.
Entretien assuré par Léa Balmy
En 2019, vous fondez GBAARA (Ghali Bouayad Architecture And Research Atelier), mais vous travaillez aujourd’hui en parallèle chez SANAA en attendant d’être totalement indépendant.
Au-delà du génie de Kazuyo Sejima et de Ryue Nishizawa pour traiter des organisations programmatiques et spatiales, la raison même pour laquelle j’ai temporairement mis ma pratique en suspens pour travailler avec SANAA (Kazuyo Sejima et de Ryue Nishizawa) est de désapprendre certaines de mes méthodologies. Lors de mes échanges quotidiens avec Sejima, j’ai pu constater que chaque élément architectural est un sujet de discussion sur l’esthétique et les proportions, qu’il s’agisse d’un boulon, d’une poutre, d’une fenêtre ou d’un espace entier. Nous effectuons un nombre illimité d’itérations avant de prendre une décision, ainsi, les possibilités d’espace et d’esthétique architecturale sont infinies.
Quel est le processus de réalisation de ce pavillon en bois ?
Pour la phase de conception, plusieurs algorithmes ont été appliqués afin de générer une configuration spatiale des points de l’ornement, d’un plan 2D à un plan 3D. Par la suite, d’autres algorithmes ont été utilisés afin de déterminer le temps de fabrication, la méthode et la faisabilité financière du projet. L’utilisation d’algorithmes a offert de nouvelles possibilités lors de la phase d’esquisse en générant des données sur lesquelles s’appuyer avant de commencer à sculpter la forme.
Pour la fabrication du pavillon, environ 550 kg de Karamatsu (bois de pin) de section 45x45mm ont été achetés dans une usine de bois à Nagano (Japon). J’ai utilisés des outils simples tels qu’une scie à table et un Nomi (burin japonais) pour le découpage et des boulons avec de la colle à bois pour l’assemblage. Au total, 317 morceaux de bois d’une longueur variant entre 500 et 3500 mm ont formé 62 colonnes différentes, elles-mêmes composées de 255 joints à mi-longueur.
L’ensemble du pavillon a été entièrement construit et assemblé à la main par moi-même en l’espace de trois semaines. Mon rapport au matériau et à la technique artisanale était particulièrement important pour moi et je voulais autant que possible ne pas déléguer cette phase très spécifique à un entrepreneur tiers.
Le pavillon a comme titre « l’architecture ornementée postdigitale n’est pas ornementée », que pensez-vous de la collaboration entre l’artisanal et la technologie ?
La beauté, l’irrégularité et la créativité dans le processus entre l’homme et la machine sont une question de coopération saine et contrôlée où l’architecte-ingénieur est le nouveau directeur artistique, sans stratégie de conception définie, qui offre des voies multiples à la machine pour qu’elle génère des suggestions et des erreurs. Les résultats issus du dialogue entre le raisonnement humain et l’intelligence de la machine permet aussi d’appliquer des savoirs-faire issu de l’artisanat traditionnel. Nous disposons désormais de suffisamment d’outils, comme la programmation digitale ou la fabrication robotique, pour donner vie à de nouvelles idées.
Pourquoi avoir invité des danseurs dans ce pavillon ?
Je m’attendais à ce que des critiques de la scène contemporaine japonaise visitent l’exposition et la performance. J’anticipais leurs questions sur les usages du pavillon et son rapport à l’espace. Les danseurs sont très conscients du corps dans l’espace où ils peuvent saisir rapidement les qualités d’un lieu. Lors de l’ouverture de l’exposition, la performance de Daisuke Omiya a attiré l’attention sur les détails du pavillon.
Quels sont vos projets à venir ?
Je travaille actuellement sur un livre avec Taku Sakaushi, un architecte et critique japonais qui a réalisé une série d’entretiens avec de jeunes architectes japonais sur leurs pratiques respectives. Je travaille à sa traduction intégrale et à son édition, et j’espère qu’il sera bientôt publié en Europe. Il contient des histoires sincères sur la façon dont ces architectes ont été amenés créer leurs agences.