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Design

Les azulejos selon Noé Duchaufour-Lawrance

À Lisbonne, le designer Noé Duchaufour-Lawrance et son atelier Made in situ ont collaboré avec la manufacture Viúva Lamego pour imaginer Azulejos, un projet-paysage à quatre mains renouant avec la tradition des carreaux de faïence peints les plus célèbres du Portugal.

Du Moyen-Orient à l’Extrême-Orient en passant par l’Espagne, l’Italie, et les Pays-Bas, le carreau de faïence, l’un des premiers produits de la mondialisation, arrive au Portugal au XVIe siècle. Il y sera baptisé azulejo. Jusqu’au milieu du XVIIIe, les azulejos décorent surtout les palais, les églises et monastères. À la suite du séisme de 1755 qui détruisit la quasi-totalité la ville de Lisbonne, les façades des bâtiments reconstruits ont été recouvertes d’azulejos pour limiter les risques d’incendie et combattre le vent océanique corrosif. Une industrie était née.

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Parmi elles fut fondée en 1849 la manufacture Viúva Lamego, qui a échappé à la faillite au milieu du XXe siècle grâce à l’intuition de son directeur de l’époque, le peintre Leite da Silva : inviter quelques-uns de ses amis artistes à installer leurs ateliers dans l’usine. La créatrice Maria Keil fut parmi les premiers à accepter l’invitation et conçu à cette occasion les décors de plusieurs stations de métro lisboètes, aujourd’hui inscrits au patrimoine de la ville. Ces collaborations ont permis à l’entreprise de revivifier son savoir-faire, d’explorer de nouveaux styles et de retrouver des techniques anciennes comme celle de la corda seca (corde sèche) ou celle de l’aresta, (création d’un relief sur le carreau de céramique à l’aide d’un moule appliqué à la surface du carreau cru).

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C’est dans ce contexte qu’en 2022, l’artiste et designer français Noé Duchaufour-Lawrance, créateur de Made in situ, un atelier de production d’objets pour la maison basé à Lisbonne, collabore avec la manufacture Viúva Lamego pour concevoir une œuvre commune destinée à célébrer ce savoir-faire. Inspiré par les tableaux urbains de Lisbonne, il imagine Azulejos, un récit entre la côte bretonne et la côte portugaise de son enfance. Le projet prend la forme de trois panneaux verticaux en bois de châtaignier, deux concaves et un convexe, mesurant respectivement 3 mètres de large et 1,5 mètre de haut, chacun recouvert de céramique. Chaque panneau représente un segment du littoral atlantique vu du ciel. Pour recouvrir les panneaux malgré leur courbure, les pièces de céramique seront rectangulaires, posées à la verticale, une suggestion de la manufacture.

Pour celles-ci, le designer tâtonne, pour trouver la meilleure représentation possible de son récit. Après un essai infructueux de peinture traditionnelle sur une céramique blanche, Noé Duchaufour-Lawrance choisit finalement une céramique noire — une quasi-première pour la manufacture. La céramique noire doit sa couleur au pourcentage élevé de chamotte noire (céramique précuite réduite en poudre et incorporée à l’argile) qu’elle contient. Pour peindre sur cette terre rugueuse et sombre, des glacis colorés ont été privilégiés aux simples encres. Pour le blanc de la houle, c’est en observant le travail de l’artiste résidente Maria Emília Araújo que le designer français opte pour un verre blanc en poudre. Ces émaux, tous plus ou moins gris avant cuisson, sont appliqués à la main, au pinceau, à l’éponge sur un assemblage de carreaux de terre crue, légèrement bosselés. L’émail est travaillé par couches, créant des effets plus ou moins transparents et intenses selon le nombre de strates. Durant la cuisson au four, ils se liquéfient puis se solidifient pour révéler l’intensité des couleurs et la profondeur des effets de matière. Il n’est plus question que de céramique ; pour Noé Duchaufour-Lawrance, c’est l’instant où « le matériau devient alors un volume plus qu’un simple carreau ».

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