© Armelle Caron

Festival Georges

Le littoral des artistes Anaïs Marion, Léonie Pondevie et Maxime Voidy

Du 19 septembre au 6 octobre 2024, la ville de Rennes accueille, pour sa deuxième édition, le Festival Georges, une biennale d'architecture organisée dans les rues rennaises par la Maison de l'architecture et des espaces en Bretagne (MaeB). La rédaction de L'Architecture d'Aujourd'hui est heureuse de renouveler son partenariat avec l'événement. Pour l'occasion, est allée à la rencontre des différents intervenant·es, artistes, architectes, designers pour qu'ils et elles racontent leur vision du thème de cette année : les limites. Rencontre avec les artistes-auteures Anaïs Marion, Léonie Pondevie et l'artiste Maxime Voidy, membres du collectif de photographes Nouveau Document.

Propos recueillis par Rachel Sablé

Anaïs Marion, Léonie Pondevie, Maxime Voidy (© François Boucard)

Pourriez-vous présenter en quelques mots votre intervention pour cette nouvelle édition du festival Georges ?

Anaïs Marion, Léonie Pondevie : Nous sommes membres du collectif Nouveau Document, un collectif de photographes et nous proposons l’exposition Si l’horizon se dérobe. Cette exposition prend sa source dans une résidence itinérante que nous avons effectuée tous les trois en 2022 sur le littoral aquitain. Par cette recherche collective, nous souhaitions interroger le recul du trait de côte et ses conséquences sur notre manière d’appréhender le littoral. Si l’horizon se dérobe se construit sur ces réflexions autour de la transformation des territoires, et y entremêle d’autres recherches sur notre manière d’être au monde.

Maxime Voidy : Dans le cadre de la première édition j’ai eu l’occasion de présenter mon projet Les maisons endormies ; travail photographique documentaire portant sur le grand nombre de résidences secondaires aux volets fermés en basse saison sur la côte bretonne. Présentée sous la forme d’une agence immobilière fictive nommée Sleeping House Agency, cette exposition prenait place dans une vitrine de la ville de Rennes, rue Vaneau. Spécialisée dans la vente et la location de logements de bord de mer inhabités, cette agence fictive tend à susciter des réflexions sur notre rapport à l’habitat et au verbe habiter qui, bien trop souvent, se résume au fait de posséder un bien immobilier. Pour cette deuxième édition, nous avons pensé l’exposition Si l’horizon se dérobe qui aborde avec engagement et sensibilité nos manières d’habiter le rivage et d’agir face au recul du trait de côte et à l’érosion du littoral. 

© Maxime Voidy

Les maisons endormies, série photographique présentée lors de la première édition du Festival Georges.

Cette année, le festival invite à « explorer les limites ». Comment comprenez-vous cette consigne, dans le cadre de votre travail ?

Anaïs Marion : Mon travail a beaucoup joué ces dernières années avec le mot « limite » en écho aux mots frontière, clôture, ligne ou délimitation. Pour Paul Virilio, le littoral constitue « la dernière frontière » et cette expression résonne pour moi avec la thématique du festival : j’y vois une réflexion sur les limites de nos capacités en tant qu’êtres humains à habiter des espaces qui se transforment à l’heure où les limites de notre planète sont atteintes. Cela pose la question de l’adaptation et de la résilience, mais aussi de l’imaginaire : comment construire l’avenir dans ces conditions ?

Léonie Pondevie : Mon travail prend essence dans l’étude de l’anthropisation, c’est-à-dire le processus par lequel les populations transforment le territoire par leurs activités industrielles, agricoles ou urbaines. Par la photographie, je creuse des histoires documentaires, intimes ou lointaines, et les entremêle à nos mythes et constructions sociales pour tenter de comprendre comment nous avons heurté la géologie et le climat terrestre. Les notions de limite sont donc toujours sous-jacentes à mes recherches ; elles peuvent être autant celles d’un écosystème ou d’un territoire, si l’on parle de limites planétaires, comme sociales, si l’on parle de rapport au monde ou de manières d’habiter. Ces recherches me permettent de questionner notre imaginaire collectif et, peut-être, d’ouvrir des pistes de réflexion desquelles s’emparer collectivement.

Maxime Voidy : La notion de limite est inhérente à la pratique de la photographie et de la vidéo, compte-tenu du cadrage, de la construction d’un champ et d’un hors-champ. Explorer les limites se résumerait donc pour moi à porter son intérêt sur cette ligne réelle ou imaginaire qui sépare deux espaces mais également à ce que l’on peut observer au-delà du cadre. Cela se traduit dans mon travail par l’étude de la démarcation entre l’espace privé et l’espace public, la lisière comme espace de transition, le point d’équilibre entre développement et conservation, le seuil comme limite à ne pas atteindre. 

© Anaïs Marion

Selon vous, où réside l’intérêt d’un « festival d’architecture » ?

Anaïs Marion :À mon sens, un festival d’architecture permet de croiser les regards sur les enjeux contemporains des espaces qui nous entourent et permet à des personnes qui ne sont pas spécialistes d’observer autrement leur environnement. L’architecture est si omniprésente dans tellement d’aspects de nos vies qu’il est nécessaire d’ouvrir les réflexions en cours dans ce domaine à toutes et tous.

Léonie Pondevie :Un festival d’architecture permet d’ouvrir et partager au plus grand nombre des questionnements sur les enjeux de nos modes d’habitat dans un monde en perpétuelle transformation. Georges est un bon exemple des relations qui peuvent se créer dans un festival. En faisant se croiser l’architecture et d’autres domaines, principalement artistiques, le festival offre la possibilité de réfléchir collectivement aux problématiques de nos sociétés, de s’ajuster, d’anticiper, de conceptualiser. C’est un temps propice, hors cadre, hors des contraintes du monde professionnel, qui favorise l’expérimentation, la rencontre des points de vue et des expériences.

Maxime Voidy : L’architecture joue un rôle primordial dans notre manière d’habiter un territoire et de s’y déplacer, elle peut autant faciliter notre quotidien qu’elle peut le contraindre. Un festival d’architecture permet donc de porter un regard sur ces constructions qui nous entourent et de réfléchir ensemble à celles qui sauront s’adapter à nos nouvelles manières d’habiter. Ce temps de festival se doit d’être accessible aussi bien dans son contenu que dans sa forme, il doit permettre à  toutes et tous de comprendre les enjeux contemporains et ainsi de libérer la parole sur l’architecture de demain que l’on souhaite voir développer.


Festival Georges, du jeudi 19 septembre au dimanche 6 octobre 2024, à Rennes. 
Pour plus d'informations, rendez-vous sur www.georges-festival.com

React to this article