Tribunes

Florian Idenburg (SO-IL) réagit à la présidentielle américaine

À l’occasion des résultats de l’élection présidentielle américaine, AA a souhaité recueillir les premières réactions des praticien·nes états-unien·nes, touché·es de près ou de loin par ce changement de bord. L’architecte néerlandais Florian Idenburg, co-fondateur avec Jing Liu de l’agence d’architecture et de design SO-IL installée à New York, livre ici ses impressions et engagements – récemment illustrés dans le projet Las Americas, un ensemble de logements sociaux livré en 2021 à Leon, au Mexique.


© Iwan Baan Las Americas, SO-IL Leon (Mexique, 2021)

Quel regard portez-vous sur la présidentielle américaine ? Quelles observations faites-vous sur ses enjeux, ses intenses mois de campagne et, bien entendu, son issue ?
En tant que détenteur d’une carte verte sans droit de vote, j’ai – comme une grande partie du monde – suivi les élections américaines depuis la ligne de touche, alors que ce vaste navire qu’est le pays tente une nouvelle fois de changer de cap.  On ne tourne pas facilement un vaisseau de cette taille, quelle que soit la personne à la barre. Mais avec l’alignement actuel du Sénat [À la suite des élections sénatoriales américaines de 2024 qui ont eu lieu le 5 novembre 2024 pour renouveler 34 des 100 sièges du Sénat, le camp républicain devient majoritaire avec 53 sièges, contre 49 en 2022. NDLR] et les changements judiciaires radicaux, les enjeux sont dangereusement élevés. Le climat politique actuel attise d’inquiétantes forces fascistes, racistes et anti-féministes, et menace des libertés fondamentales. Les discussions interminables qui inondent les médias sont triviales et détournent l’attention du véritable problème : un système paralysé par l’inégalité, et désormais à court de solutions. Ce climat politique est alimenté par la peur, diffusée par les médias, qui engendre des menaces réelles et de l’incertitude pour certain·es. C’est une politique inutile sur une planète pourtant belle et généreuse.

Quelles sont vos craintes après la récente réélection de Donald Trump ?
Ce que je crains le plus, c’est l’abandon en bloc des politiques environnementales, qui aggraverait l’imprévisibilité du climat et menacerait le déplacement d’encore plus de personnes, en particulier celles qui sont déjà vulnérables. Nous devons empêcher que l’architecture ne devienne un autre pion dans les guerres culturelles. Le décret de M. Trump, lors de son précédent mandat, imposant que tous les bâtiments fédéraux adoptent un style « néoclassique » est un exemple de sa politique, qui oppose le modernisme « cosmopolite » à un passé nationaliste inventé. Il s’agit là d’une nouvelle bataille erronée qui distrait des véritables enjeux culturels.

Quelles sont vos perspectives d’espoir pour l’avenir ?
Ce qu’il nous faut maintenant, c’est de la détermination. Appuyons nous sur l’espoir, la force, l’imagination, la beauté et la générosité – tant de qualités qui résistent au tribalisme et à la polarisation. Ces valeurs sont fondamentales dans notre travail et doivent se refléter dans les espaces que nous créons. Des espaces qui favorisent la connexion et l’empathie, plutôt que la division. Le logement doit être un droit, et non un privilège, et cela exige flexibilité, de accessibilité et communauté.

Imagination et union nous permettront créer des environnements permettant à chacun·e de trouver sa place et développer un sentiment d’appartenance et d’utilité. L’inclusion risque d’être menacée. Si l’on veut continuer à avancer, il faudra montrer du courage et de la créativité, et continuer à se battre pour ne pas faire de compromis sur l’inclusion dans la conception, à toutes les échelles.

© Iwan Baan Las Americas, SO-IL Leon (Mexique, 2021)

 

© Iwan Baan
Las Americas, SO-IL Leon (Mexique, 2021)

 


En 2021, AA consacrait un numéro sur les États-Unis, toujours disponible sur notre boutique en ligne.

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