Éjo.coopérative, portrait d’une engagée
À l’instar d’Amateur Architecture Studio (Wang Shu et Lu Wenyu) dans les montagnes de la province de Hangzhou en Chine (lire leur portrait, paru dans AA nº 431), ou encore de l’Atelier du Rouget dans le Cantal en France, nombreuses sont les agences qui font de la « marge » un engagement, privilégiant les territoires ruraux à la densité des grandes villes pour développer leur pratique. L’agence Éjo.coopérative, fondée en 2019 dans la Saône-et-Loire, est de celles-ci. Elle a fait le choix de construire « sur un territoire limité à un département et à ses franges ». L’occasion d’en affiner la connaissance au fil de chaque intervention.
Yên Bui
À l’origine de Éjo.coopérative, un mot d’abord, \’e.jo\ – qui, en espéranto signifie tout aussi bien « lieu », « site » que « chantier » – choisi par quatres associé·es : la paysagiste-conceptrice Lucie Garzon et les architectes Fanny Costecalde, Benjamin Froger et Guillaume Wittmann, formé·es à Versailles, Paris et Strasbourg. C’est à Mont-Saint-Vincent, un village de 350 âmes de Saône-et-Loire (Bourgogne-Franche-Comté) que s’est installée en 2019 la société coopérative et participative (souvent abrégée en SCOP, une structure où les salarié·es sont les associé·es majoritaires). Interrogé·es sur cette volonté de s’installer en milieu rural, les membres d’Éjo évoquent une « envie de participer à la revitalisation de ces territoires aujourd’hui délaissés, mais qui concentrent pourtant de nombreuses richesses paysagères. » Ensemble, les architectes et paysagistes œuvrent donc à « la conservation d’un territoire rural » en pratiquant à la fois dans le cadre de marchés publics et de commandes privées. « Vivre et travailler dans ce territoire est pour nous un engagement tout autant professionnel que personnel », précise Lucie Garzon.
Depuis 2019, Éjo multiplie les projets d’architecture et d’aménagement – neufs, réhabilitation – aux échelles variées – maisons individuelles, restaurants scolaires, revitalisation de centre-bourgs – livrés dans le périmètre géographique qu’elle s’est donné. Par ailleurs, l’agence a édité en 2022 un guide de « recommandations architecturales et paysagères » pour le compte du Parc naturel régional du Morvan qui, outre une histoire paysagère de l’installation de l’humain dans la région, sert de référence en matière d’implantation sans heurt du bâti (suggestions de principes de compositions du volume, par exemple), de systèmes constructifs locaux, issus de savoir-faire traditionnels ou encore de choix de matériaux qui dialoguent avec le paysage.
L’année suivante, les architectes livrent une halle en structure en acier et en bois de 160 m2 dans le parc de la Maison des patrimoines de la ville de Matour (photographie ci-dessous), à seulement 47 kilomètres de Mont-Saint-Vincent, l’occasion de mettre en œuvre des ressources locales telles que le bois de chêne et de douglas, dans un environnement à la fois patrimonial et paysager. L’humilité de leurs interventions ne doit pas masquer l’intention : œuvrer pour la revitalisation des centres-bourgs. Non loin, pour la commune de Saint-Martin-sous-Montaigu, les architectes ont réhabilité une ancienne école de pierre, datée du XIXe siècle, pour y abriter la mairie, un tiers-lieu et un logement.
Leur dernier projet, livré en 2024, un restaurant scolaire de 250 m2 à Demigny (ci-dessous), est bâti comme une « cabane au fond du jardin » avec une attention particulière portée au socle en béton, qui leur a permis de profiter du dénivelé du terrain pour placer les tables à hauteur de jardin.
Éjo.coopérative compte également plusieurs transformations de longères en unités d’habitation à son actif. Leur statut de coopérative, mais également d’association, leur permet de conduire des études, au cours desquelles les architectes et paysagistes encouragent les échanges citoyens en organisant, quand cela est possible, des micro-chantiers occupés, comme ils·elles ont pu le mettre en place lors de l’esquisse du plan guide pour l’aménagement du centre bourg de la commune de La Marche
La coopérative, récompensée du Trophées de la Parité dans les agences d’architecture en 2023 décerné par l’Ordre des architectes, a également été lauréate, la même année, des Albums des Jeunes Architectes et Paysagistes, sous la tutelle du ministère de la Culture. Depuis septembre 2024, Éjo coopérative a rejoint la dernière promotion de l’incubateur SANA de l’ENSA Clermont-Ferrand.
Pour en savoir plus sur l'agence : www.ejo.coop