Snøhetta, une légende en héritage
Il y a 17 ans, l’agence norvégienne Snøhetta livrait la bibliothèque d’Alexandrie, en Égypte. En s’attaquant à un tel mythe, l’agence norvégienne acquit alors d’emblée une renommée internationale, qu’il fallait néanmoins confirmer. Ce qu’elle n’a cessé de faire depuis : opéra d’Oslo, Centre international d’art pariétal Lascaux IV en Dordogne… Toutes ces réalisations partagent au moins deux points communs : leur rapport au paysage et l’intégration dans le bâtiment d’espaces publics offerts aux usagers certes, mais aussi, plus largement, aux riverains et aux habitants. Retour ci-dessous sur le projet de la bibliothèque d’Alexandrie, livré en 2001.
Peut-on à la fois célébrer un mythe et s’en affranchir ? Depuis près de 20 ans, à l’emplacement probable de la légendaire bibliothèque d’Alexandrie, un singulier totem signé Snøhetta redessine la silhouette du front de mer. Son apparence est plutôt modeste, au vu du prestigieux ancêtre qu’il entend faire renaître de ses cendres : un cylindre tronqué, partiellement enterré, est ceint d’un mur de granit gravé d’inscriptions aux 200 alphabets – morse et braille compris. Il abrite à ce jour plus de deux millions d’ouvrages.
L’antique bibliothèque dégageait-elle la même force sereine ? Difficile à dire. Du trésor édifié en 290 av. J.-C. par Ptolémée Ier ne reste aucune trace matérielle, si ce n’est un unique manuscrit conservé à Vienne. Malgré tout, le projet conçu en 1989 par la jeune équipe scandinavo-américaine se veut un pont entre le passé et le présent, ainsi qu’un trait d’union entre le contexte local et une ambition culturelle universelle. Le toit incliné et scintillant ravive la mémoire de l’ancien phare d’Alexandrie, tout en offrant à la ville un nouveau symbole culturel. Quant à sa forme de disque solaire, il est tentant d’y voir une évocation d’Amon, ce dieu suprême qui engendre la vie et offre à l’homme la connaissance.
À l’image de son illustre ancêtre, le bâtiment est bien plus qu’une simple bibliothèque : sur quelques 8 hectares, il accueille en son cœur une majestueuse salle de lecture qui se déploie sur 20 000 m2 répartis en sept niveaux, mais aussi des musées, des espaces de réunion publics, un planétarium et une école de sciences de l’information. Si elle est conçue comme la gardienne de la connaissance, la bibliothèque est également solidement reliée aux rives de la Méditerranée et à la ville d’Alexandrie par une place publique et un grand miroir d’eau.
Le projet, lauréat du prix Aga Khan d’Architecture en 2004, marquera durablement la trajectoire de la toute jeune agence Snøhetta. « Lorsque nous apprenons que notre projet est choisi, c’est l’incrédulité totale ! Nous étions des inconnus, entre 26 et 31 ans. Notre victoire tenait du miracle ! » se souvient Kjetil Trædal Thorsen. Certains rêves n’ont pas d’époque.
Bibliothèque d’Alexandrie
Lieu : Alexandrie, Egypte
Maître d’ouvrage : Ministère de l’éducation égyptien
Surface : 80 000 m2
Livraison : 2001
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