Axelle Ponsonnet : la mémoire de Notre-Dame
Le 15 avril 2019, Notre-Dame-de-Paris s’embrasait, laissant interdit·es et sidéré·es des milliers de spectateur·ices impuissant·es. Plus d’un an plus tard, après approbation du projet de reconstruction de l’édifice par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, Axelle Ponsonnet rejoint les rangs de l’agence de Pascal Prunet. Sur le chantier, elle découvre les stigmates laissés par les flammes sur la pierre médiévale. La beauté de l’édifice fragilisé s’impose à l’architecte, qui immortalisera par le dessin, quatre ans durant, les grandes heures du chantier de Notre-Dame.
Clémentine Roland
« La scierie des géants », décembre 2021. Crayon, 15 × 40cm
La reconstruction de la flèche débute en forêt, où les chênes aux dimensions exceptionnelles et aux courbures particulières sont sélectionnés.
Au printemps 2019, Notre-Dame dévorée par les flammes s’était retrouvée privée de sa charpente, de sa toiture, d’une partie de sa voûte et de sa flèche. Si les travaux de sécurisation et de consolidation de l’édifice avaient été prompts à démarrer, il avait fallu attendre juillet 2020 pour que soit approuvé le projet de restauration de la cathédrale de Philippe Villeneuve, Rémi Fromont et Pascal Prunet, architectes en chef des monuments historiques.
« La voûte effondrée : les cintres », décembre 2022. Crayon, 32 × 50cm
À l’emplacement de l’ancienne voûte de la croisée, effondrée lors de la chute de la flèche pendant l’incendie, se dressent les premiers cintres en bois. Ces structures de charpente d’une grande technicité permettent de reconstruire progressivement les arcs diagonaux, puis les voûtains.
En décembre 2020, récemment diplômée de l’ENSA de Paris-Belleville, Axelle Ponsonnet intègre l’agence Prunet Architecture pour travailler sur le chantier de reconstruction de Notre-Dame. Au sein de l’équipe « toiture », elle œuvre pour la réfection de la charpente et de la couverture, depuis la conception jusqu’au suivi de chantier. Entre splendeur et désolation, l’étrangeté de la cathédrale ruinée s’impose à l’architecte. Subjuguée par le paysage fantastique dessiné par la surimpression des bâches et des filets de sécurité sur les voûtes à ciel ouvert, elle réalise tôt ses premiers dessins – en revenant sur site en secret, hors des heures de chantier. Un an plus tard, après avoir reçu la bénédiction de ses supérieur·es et de Pascal Prunet, ses travaux sortent de la clandestinité.
« L’angelot de la clé de voûte », février 2023. Crayon, 3050cm
Reconstruction de la voûte de la croisée.
« Les chimères attendent », juillet 2023. Pierre noire, 30 × 50cm
Au milieu des machines, des tuyaux d’aspiration de poussières et des outils de sculpture, les chimères patientent dans l’atelier au pied de la cathédrale, attendant de retrouver leur place sur la cathédrale.
D’abord portée par une volonté documentaire rigoureuse, Axelle Ponsonnet s’autorise peu à peu à représenter les situations isolées qui l’enchantent ou l’émeuvent. « Dans mes premiers dessins, je m’obligeais à être juste et précise, à traduire en images des représentations fidèles à la réalité ; je me suis peu à peu détachée de cette contrainte en réalisant des dessins abstraits, moins détaillés ou moins finis – notamment parce que, dans l’urgence du chantier, je manquais parfois de temps pour achever mes esquisses. »
« La nef. Les charpentiers posent le bouquet », mars 2024. Sanguine, 30 × 50cm
Après avoir reconstruit la charpente du chœur, c’est la charpente de la nef qui s’achève, rendant à la cathédrale la forêt de chênes disparue dans l’incendie. Suspendus aux fermes, les charpentiers posent le bouquet, ultime geste avant de quitter le chantier.
C’est ainsi que, chez elle, forte de sa connaissance minutieuse du bâtiment et des impressions que lui laisse le chantier, l’architecte initie une série de monotypes plus expressionnistes. « J’ai privilégié cette technique, à mi-chemin entre peinture et gravure, pour travailler des vues nocturnes et lointaines de la cathédrale, à laquelle les installations et les éclairages du chantier donnaient une silhouette complètement différente, créant une forme nouvelle dans cet environnement urbain. »
« La construction de la flèche », juillet 2023. Monotype, 35 × 25cm
« Ma pratique de l’architecture est intimement liée à ces dessins, car je comprenais tout ce que je dessinais. En parallèle, le dessin m’a aidé à appréhender les formes et les proportions de l’édifice. Il y a eu cette sorte de dualité, entre mon regard d’architecte, plus technique, et la sensibilité différente permise par le dessin vis-à-vis de la texture des pierres brûlées ou des motifs et des formes créées par les échafaudages. »
« La construction de la flèche », février 2024. Monotype à l’encre sépia, 17 × 26cm
Étude de lumière, la cathédrale depuis le pont de la Tournelle.
« La construction de la flèche », mars 2024.
Monotype à l’encre gris de Payne, 16x30cm Étude de lumière, la cathédrale depuis le pont Louis Philippe, l’échafaudage démonté.
Au total, l’architecte réalise une soixantaine de dessins en quatre ans. Étudiés séparément, ils retracent des « anecdotes », les moments ordinaires et quotidiens d’un chantier – mais leur force narrative se situe dans l’effet de série. Une large sélection des travaux d’Axelle Ponsonnet sera présentée en début d’année 2025 dans un ouvrage à paraître chez Mitsu Éditions, au-travers duquel la mise en relation chronologique des dessins entre eux dessinera la mémoire d’un lieu et d’un chantier exceptionnel.
Pour aller plus loin
Les dessins d’Axelle Ponsonnet sont visibles sur son compte Instagram.
L’ouvrage Balade dans Notre-Dame. Carnet de chantier, peut être pré-commandé sur le site web de Mitsu Éditions.