Sciences

Le carbone bleu dans les écosystèmes aquatiques. Entretien avec Christine Dupuy

Dans l’eau se terre le « carbone bleu », capté et séquestré dans les couches sédimentaires des écosystèmes aquatiques – littoraux et côtiers. Comme « le poumon vert » que l’on rogne chaque année davantage en Amazonie, ces écosystèmes comptent parmi les plus menacés de la planète, avec la destruction de 340 000 à 980 000 hectares chaque année. Christine Dupuy, professeure, chercheure et directrice-adjointe du laboratoire Littoral Environnement et Sociétés de La Rochelle Université, spécialisée en écologie aquatique et spécialiste du carbone bleu, revient sur l’importance de leur préservation et, plus encore, leur restauration par « renaturation ».


Propos recueillis par Yên Bui

AA : En quoi la préservation des écosystèmes aquatiques participe-t-elle à la lutte contre le dérèglement climatique ?

Christine Dupuy : Aujourd’hui, l’enjeu de la recherche en écologie est de favoriser l’enfouissement de la matière organique, plutôt que sa dégradation, afin d’éviter que le carbone qu’elle contient ne resurgisse dans l’atmosphère. Or dans une forêt, milieu riche en oxygène, la matière organique est le plus souvent ingérée par les décomposeurs qui rejettent du CO2. À l’inverse, dans les écosystèmes aquatiques végétalisés – des milieux avec des sédiments peu oxygénés, et c’est là tout leur intérêt – ces décomposeurs se développent très lentement. Ils dégradent très peu la matière organique, qui peut être recouverte par les sédiments. Ainsi les écosystèmes aquatiques sont-ils des puits de carbone cinq à dix fois plus puissants que les écosystèmes terrestres. […]

Quelles sont les solutions envisagées pour cette préservation ?

En 2019, la ville de La Rochelle a lancé le projet de renaturation du marais de Tasdon, une zone humide de 83 hectares en périphérie de la ville, partiellement asséché suite à la construction du quartier de Villeneuve-les-Salines, dans les années 1970, qui ont remblayé une partie de ses bassins et l’ont déconnecté de la mer. Parmi les objectifs de la ville, faire du marais un reposoir aux oiseaux pour réintroduire le vivant en ville. La renaturation a consisté en la création d’une zone humide, la remobilisation des sédiments, le réaménagement du paysage [par l’agence de paysage Atelier Cépage (Nathalie Cadiou et Philippe Rossier) et le bureau d’études hydraulique Hydratec. NDLR], l’enlèvement de la végétation invasive et la plantation de nouvelles espèces, ainsi que la construction de passerelles piétonnes. En mesurant le taux de carbone atmosphérique avant et après la restauration, le marais de Tasdon, de source, s’est transformé en un puits prometteur.

Marais de Tasdon, Villeneuve-les-Salines, La Rochelle © Julien Chauvet – Ville de La Rochelle

Aujourd’hui, quels sont les principaux enjeux autour de la restauration des écosystèmes aquatiques ?

Bien que la Ville de La Rochelle et la Région s’intéressent fortement à la restauration des écosystèmes pour en faire des puits de carbone, il s’agit encore d’une question émergente en France. Certains types de zones humides ont encore une mauvaise image, comme les marais et marécages, car ils ont été longtemps perçus comme insalubres, ou vecteurs de maladies, telles que le paludisme, appelé la « fièvre des marais » – ce qui n’est plus le cas à l’heure actuelle, bien entendu. De plus, la restauration de marais est une opération assez violente car il faut…

Lire l'intégralité de cet entretien, paru  dans le numéro de L’Architecture d’Aujourd’hui, « L'eau, bien commun », disponible sur notre boutique en ligne.

Pour en savoir plus sur le carbone bleu, rendez-vous sur le site de La Rochelle Université.

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