Architecture

Les nouveaux enjeux du monde rural

La Chaire Nouvelles Ruralités – Architecture et milieux vivants a été créée en 2015, à l’occasion des 10 ans des ateliers de master « Hors les Murs » de l’Ensa Nancy, consacrés aux territoires ruraux, en partenariat avec les Parcs naturels régionaux. Portée par quatre entités (l’Ensa de Nancy, la Fédération des Parcs naturels régionaux, l’ENSAIA et l’école AgroParisTech) et labellisée en 2020 par le ministère de la Culture, elle questionne le monde rural et ses nouveaux enjeux dans un contexte de transition écologique et sociétale.
Gwenaëlle Zunino et Marc Verdier, architectes et urbanistes, enseignant·es à l’Ensa de Nancy et co-responsables de la Chaire, ont accordé un entretien à ‘A’A’ pour présenter la Chaire et ses enjeux.


Propos recueillis par Ethel Halimi

‘A’A’ : Quel est l’ambition de la Chaire Nouvelles Ruralités ?

Gwenaëlle Zunino et Marc Verdier : Avec la Chaire, nous avons pour ambition de valoriser les travaux issus de la recherche en lien avec les territoires, et ainsi d’offrir des outils au service du paysage et de l’urbanisme rural post-carbone. Elle s’adresse à un public diversifié : enseignant·es-chercheur·es, étudiant·es, professionnel·les en sciences socio-économiques, spécialistes de l’ingénierie territoriale et élu·es. Elle a aujourd’hui un double enjeu : transmettre des savoirs et fédérer les acteurs. Elle a trois objectifs, celui de former à l’interdisciplinarité, de valoriser la recherche et de favoriser les interactions entre les acteurs pour répondre aux besoins des territoire. Ainsi, elle participe au développement d’enseignements spécifiques aux nouvelles ruralités pour offrir les outils permettant à chacun·e d’aller plus loin que la simple collaboration. À l’Ensa de Nancy, l’atelier de projet « Hors-les-Murs », en cycle de master, croise l’architecture et l’agronomie en questionnant, par exemple, l’adaptation au changement climatique en Cerdagne par des projets de diversification agricole et de dynamisme des villages. Un autre exemple : le Séminaire AgroPaysage [en partenariat avec le collectif des Paysages de l’Après-Pétrole, la Cité des Paysages, l’ENSAIA de Nancy et l’École de Paysage de Versailles. NDLR] permet, le temps d’une semaine, de développer des méthodes et outils partagés entre architectes, agronomes et paysagistes.

Prospective pour un territoire rural subsistant © Séminaire AgroPaysage 2022

Sur la recherche, la chaire a participé au programme HERBE (Hameau Expérimental de Recherche sur la BioEconomie) porté par La Vigotte Lab [laboratoire vivant des transitions territoriales au cœur des Vosges. NDLR] dans le cadre de l’appel à projet Graine porté par l’ADEME, aux côtés de 12 laboratoires de recherches et d’une dizaine de collectivités. Elle a également contribué à la mise en place d’un réseau d’acteur·ices, avec l’organisation annuelle de Rencontres de la Chaire, qui permettent de partager des initiatives et références innovantes sur la question des nouvelles ruralités. Ces rencontres permettent aussi de faire le lien entre les problématiques des acteurs du territoire et des sujets de recherche. Par exemple, les Rencontres sur le hameau comme leçon de soutenabilité territoriale ont permis d’aborder les notions de communs, de propriété et d’habiter le bâti ancien de façon contemporaine.

En quoi est-il nécessaire de s’intéresser aux ruralités ?

Nous avons bien pris soin dans le titre de considérer les « ruralités » au pluriel. Les trois écoles fondatrices sont convaincues d’une même chose : la tension – l’attention – doit être la condition première de toute action sur nos territoires. Cela implique de ne pas séparer les fonctions essentielles à la vie, c’est-à-dire habiter (au sens résider), se nourrir, se protéger, cohabiter avec les autres, ménager ses ressources, s’organiser collectivement pour survivre… Les ruralités nous permettent de « voir » cette interrelation permanente qui prévaut au bon fonctionnement des fonctions vitales de tout organisme vivant, et l’humain ne fait pas exception. La chaire « ruralités » peut alors « atterrir », comme l’entendait Bruno Latour. C’est à dire développer ses actions de formation, de recherche et d’action dans de nombreux territoires.

Des rencontres entre acteurs du territoire et projets de recherche

Quels sont les enjeux du monde rural dans le contexte actuel de transition écologique et sociétale ?

Nous considérons que, à bas bruit, les pouvoirs du développement urbain et métropolitain de nos territoires, qui s’est imposé la trame structurante de nos sociétés et toujours mieux équipé depuis la fin du XIXe siècle, et ceux du monde rural sont en train de s’inverser. Le contexte de transition écologique, énergétique et sociétale rebat les cartes. Les ressources, dont le bon usage et la bonne gestion pourront permettre de préserver – ou retrouver– l’habitabilité de la Terre, sont situées dans les territoires ruraux. Sols et alimentation, eau, énergie, biodiversité, capacité de stockage du CO2… autant de thématiques qui font l’actualité (le plus souvent à partir des mauvais exemples de gestion aboutissant le plus souvent à l’addition sans fin de catastrophes en cours ou annoncées) et que les territoires ruraux possèdent (réellement ou potentiellement) en masse. Les dépendances sont, certes, en train de s’inverser,  mais le monde « sans fin » semble résister. Les modalités de reprise du pouvoir par les territoires qui détiennent les clés de la transition n’ont pas encore été actées.  Nous pensons que l’enjeu n’est pas comme le suggérions un peu par provocation ici, de « reprendre » le pouvoir, mais bien d’acter de nouvelles réciprocités.

Combiner les approches agronomiques, paysagères et architecturales à la
pensée du territoire © Séminaire AgroPaysage 2022

Pour en savoir plus sur la Chaire Nouvelles Ruralités - Architectures et milieux vivants, rendez-vous sur le site de l'ENSA de Nancy.

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