Collage dans le Sussex, par Adam Richards Architecture
Achevée en 2019 dans le Sussex par l’architecte Adam Richards, qui en a fait sa résidence familiale, la Nithurst Farm s’inspire du film russe de science-fiction Stalker, entre autres références cinématographiques.
Cet article signé Edwin Heathcote, critique d'architecture du Financial Times, est à retrouver dans son intégralité dans le numéro 437 d'AA disponible sur notre boutique en ligne.
C’est une architecture qui semble constituée de fragments. Fragments d’un aqueduc antique ou d’une structure agricole à l’abandon. Fragments d’une maison de campagne classique, d’archéologie romaine ou de villa Renaissance. Chacun de ces fragments raconte une histoire, mais le plus surprenant, c’est que l’inspiration première de la Nithurst Farm se trouve être Stalker, le film d’Andreï Tarkovski (1979) – une idée du sublime matérialisée davantage dans l’esprit que dans la réalité du paysage. Le résultat est une architecture à mi-chemin entre collage et relecture, entre la profondeur de l’histoire et la planéité de l’écran.
Posée dans les paisibles paysages du Sussex, la maison d’Adam Richards est l’une des résidences les plus fascinantes et les plus réussies qui aient été construites en Grande- Bretagne ces dernières années. On pourrait avancer, à raison, que la concurrence n’est en réalité pas bien rude. En effet, les maisons contemporaines d’architectes y sont peu courantes, et parmi elles, peu se montrent convaincantes. Ici, il s’agit d’un travail aussi brillant qu’abouti, qui s’inspire à la fois des archétypes anglais et continentaux, du cinéma, de la fiction et de la réalité des infrastructures du quotidien, afin de créer une maison confortable, mais toujours saisissante. L’espace central accueille la cuisine et la salle à manger avec, à l’avant, une petite salle de jeux placée en hauteur.
Habillé de béton, il dégage une atmosphère qui mêle un minimalisme japonais à la Tadao Andō et une esthétique presque industrielle – à la fois d’une finition précieuse et brute. Six volumes cubiques s’avancent dans cet espace principal, chacun contenant une pièce secondaire – cellier, bureau, cabinet de toilette, etc.
Ils masquent les sources d’éclairage latéral, et semblent ainsi déterminer une progression dynamique vers une porte, située au fond de la pièce. Enchâssée parmi les livres, elle conduit à un espace mystérieux, qui se révèle être le salon. Selon l’architecte, c’est là que se situe l’apogée du parcours inspiré par le film de Tarkovski, dans lequel la dernière pièce n’existe peutêtre que dans l’imagination du visiteur – ou peut-être pas. C’est un espace que la famille conçoit comme idéal, l’architecture jouant ici avec l’impossibilité d’atteindre cette perfection. Les fenêtres vont du sol au plafond, interrompues par des arches de briques, qui cassent la rigueur de la géométrie en même temps qu’elles exposent au regard la nature du matériau, si solide dans cette partie haute, posée comme une membrane ou un pare-pluie.
L’architecture peut sembler forte et permanente, mais elle peut se révéler aussi fugace qu’une image aperçue sur l’écran, et qui survit dans les brumes du souvenir.
—