Confiné.e.s : COSA
Face au confinement imposé à tous pour contrer la propagation du virus Covid-19, nombre d’architectes ont dû adapter leur pratique et leur méthode de travail à ce nouveau rythme de vie. La série « Confiné.e.s » leur donne la parole, en interrogeant leur vision de la situation — mais aussi leurs recommandations culturelles.
Aujourd’hui, les réponses de Benjamin Colboc, co-fondateur avec Arnaud Sachet de l’agence parisienne COSA. Ils ont récemment livré un parking silo pour l’ASL du quartier Danube à Strasbourg.
L’Architecture d’Aujourd’hui : Où êtes-vous confiné et comment vous êtes-vous organisé pour poursuivre votre activité ?
Benjamin Colboc : En télétravail, nous utilisons un arsenal d’outils numériques connectés pour concevoir, échanger, encadrer. Cela confirme que la plupart de nos déplacements usuels ne servent pas à grand-chose sauf faire du lien humain. Cela confirme également notre objection à la loi mobilités publiée le 26 décembre 2019 : qu’elle n’envisage pas moins de mobilité dès lors que nos technologies l’autorisent.
Pour le reste, sans chantier, la finalité de nos études disparait. Il nous reste à prendre de l’avance, mais pour combien de temps ? Et à apprendre, à réfléchir, ce qui est, ma foi, fort plaisant.
Confinement et architecture sont-ils antinomiques ?
Si l’architecture est « l’art de la réconciliation entre nous-mêmes et le monde, et [que] cette médiation s’effectue par les sens », dixit J. Pallasmaa, faut-il encore pouvoir éprouver physiquement des architectures ! Si « l’architecte est un poète qui pense et parle en construction », dixit A. Perret, faut-il encore construire, ce qui n’est pas chose aisée sans chantier ! Donc oui, confinement et architecture ne font pas bon ménage !
Quelles leçons pensez-vous tirer de l’impact écologique de cette crise ?
Cette crise sanitaire s’inscrit dans une série d’événements (effondrement des partis politiques établis, Brexit, montée des extrêmes, gilets jaunes, mouvement contre le réchauffement climatique, sortie des USA de l’accord de Paris etc.) qui agissent comme autant de révélateurs ou accélérateurs des maux ou attentes de nos sociétés, que je résumerai par deux questions : Comment donner du sens à l’anthropocène ? Comment habiter la mondialisation ?
Ces questions n’appellent ni réponses définitives, ni condamnations hâtives, mais interrogent nos pratiques actuelles. Quelques pistes :
– reposons politiquement la question de l’écoumène,
– aidons nous du numérique pour optimiser nos déplacements, nos ressources,
– intensifions l’emploi équilibré de ressources locales et développons le réemploi pour donner plus de sens à nos constructions,
– envisageons l’héritage construit du XXe siècle comme le grand terrain de jeu de l’architecture du XXIe siècle,
– faisons évoluer nos préjugés sur l’aménagement du territoire en acceptant les déserts humains, la densité, la disparition de la dualité ville/campagne,
et prônons la fin du fonctionnalisme pour chercher plus d’hybridité et de mutabilité.
Un film à voir, un livre à lire pendant le confinement ?
Le survivant (The Omega Man), de Boris Sagal, probablement pas un grand film, mais fantasmatique sur la vie d’après.
L’architecture moderne, principes et mutations, 1750-1950, de Peter Collins, pour se rappeler, s’il le faut, que le doute est inhérent à la nature humaine.
Un compte à suivre sur les réseaux sociaux ?
Deux : Les Échos Investir (investir.lesechos.fr) et Airparif (airparif.asso.fr)
Qu’espérez-vous de cette expérience ?
Une prise de conscience collective accélérée de l’ineptie des finalités de nos sociétés conduisant à la planification heureuse d’une sortie de la croissance avec comme objectifs partagés avec Éloi Laurent : le bien être des personnes, la résilience, et la soutenabilité. L’architecture, en tant que discipline en quête de sens, s’intéressant à l’environnement perçu, construit et habité par l’homme, aura un grand rôle à jouer !
Quel impact a ce confinement sur la perception de votre espace de travail et, inversement, de votre espace domestique ?
Qu’espace de travail ou domestique se confondent grâce à une technologie omniprésente et intégrée qui nous fait vivre le futur : maintenant.
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