Corinne Vezzoni : « The Camp est une commande privée assez extraordinaire »
Inauguré en septembre 2017 au cœur d’un parc paysager de 7 hectares au sud-ouest d’Aix-en-Provence, The Camp entend accueillir « des expéditions innovantes pour sonder, parcourir et inventer le futur de façon collaborative ». Dans les faits, ce campus de 10 000 m2 fondé par l’entrepreneur Frédéric Chevalier et conçu par l’architecte Corinne Vezzoni abrite des logements, un amphithéâtre, des terrains de sport, mais aussi et surtout, des salles de travail, un fab-lab et des « espaces d’expérimentation ». Un projet atypique, tant par sa forme que par son programme, comme l’explique Corinne Vezzoni à AA.
L’Architecture d’Aujourd’hui : Pourriez-vous nous rappeler l’origine du projet ?
Corinne Vezzoni : C’est une belle histoire. Elle a commencé lors d’un concours auquel l’agence a participé pour Marseille Capitale de la Culture en 2013. L’entrepreneur Frédéric Chevalier, futur créateur de The Camp, faisait partie du jury. Nous avions gagné ce projet, malheureusement, la Ville en décida autrement. Frédéric Chevalier me contacta alors en me disant qu’il avait beaucoup apprécié mon approche et que, malgré l’abandon du projet, nous nous retrouverions un jour sur un sujet qu’il ne pouvait encore dévoiler. Deux ans après, il m’appelait pour me parler de The Camp. Rien n’est jamais perdu !
AA : Quel était le cahier des charges de l’opération ?
CV : Il n’y avait pas de commande précise. Simplement des aspirations. Pas de surfaces annoncées, uniquement le souhait d’imaginer une expérience atypique. Se loger, échanger, vivre et travailler sur place dans un lieu idéal ; installer les usagers dans une situation presque « inconfortable » pour les mener à partager autrement ; un lieu propice à penser le monde de demain, à apprivoiser ses rapides transformations. Les sujets sont multiples : l’agriculture, la mobilité, l’énergie… Le programme a changé au fil de l’eau, jusqu’à modifier des espaces en phase chantier.
AA : Dès lors, comment interpréter une telle souplesse programmatique ?
CV : Le choix de volumes cylindriques, en référence aux cellules d’incubateurs en biologie, celles-là qui prolifèrent, s’écartent les unes des autres, se rassemblent, m’a semblé être une référence intéressante à convoquer. Les espaces d’ « entre-deux » deviennent multiples et utilisables à loisir. Le cercle oblige à se positionner différemment dans l’espace et à proposer d’autres façons de travailler. La hiérarchie n’apparaît plus : ni façade principale, ni façade arrière, ni hall. Le site se traverse de part en part. L’ensemble est protégé d’un grand parasol géant qui protège de la pluie et du soleil. Il n’y a plus de façades pour clore le site, la nature est présente partout. On vit à l’extérieur.
AA : Comment qualifieriez-vous cette commande ? Diriez-vous qu’il existe un « bonne » et une « mauvaise » commande privée ?
CV : C’est une commande privée assez extraordinaire, dans le sens où le client avait un vrai désir. Je peux dire dans ce cas qu’il s’agit d’une «bonne» commande privée car la confiance mutuelle et l’énergie qui s’en est dégagée ont galvanisé le projet. Toute commande privée atypique, portée par un individu ou un groupe d’individus désireux d’explorer de nouvelles voies sera forcément une bonne commande. Dès qu’il est question de produire du tout venant, le sujet devient plus ardu.
—
—
Architecte : Corinne Vezzoni et associés
Maîtrise d’ouvrage : Frédéric Chevalier
Programme : 1 résidence hôtelière de 145 chambres, 2 villas, 1 restaurant, 1 bar, 21 salles de travail modulables, 1 auditorium de 170 places, 2 studios de travail de 240 m², un fab-lab de 120 m², 1 bassin de nage, 1 théâtre de verdure de 400 places, 1 potager expérimental de 2 hectares.
Surface : 10 000 m²
Livraison : 2017
—
Retrouvez le numéro 428 d’AA, « Commandes privées, vocations publiques », sur notre boutique en ligne.