Des hommes et des lieux : Tough as Bales
Cette semaine, Coline et Capucine Madelaine proposent un aperçu du foisonnant réseau de constructions durables de la baie de San Francisco, en Californie. Ici, on se moque de la menace du grand méchant loup et on construit des maisons en paille et en bois qui résistent aussi bien que les maisons en briques ou en béton…
Photos et légendes de Coline et Capucine Madelaine.
David Arkin (au second plan), architecte co-fondateur de l’agence Arkin and Tilt avec sa femme Anne Tilt, fait la démonstration d’une technique de découpe de bottes de paille. Devin, un des collaborateurs de l’atelier, aborde fièrement un tee-shirt « Tough as bales » (littéralement « Dur comme les bottes »), le slogan de l’association californienne de construction en paille (CASBA), co-fondée par David et Anni il y a plus de trente ans.
Norman et Amber, deux jeunes mariés, ont contacté David et Anni pour qu’ils dessinent leur future maison. Les architectes ont opté pour la paille et un mode de construction participatif. Une entreprise a été ainsi engagée pour réaliser les parties techniques (ossature bois, électricité et plomberie, couverture) et le reste sera réalisé par le couple (remplissage en paille, revêtements, sols, finitions…), assisté par David et Anni.
Une fois l’ossature bois montée (souvent par une entreprise professionnelle), la tradition veut qu’une « straw bale raising party » soit organisée pour remplir les murs de paille. Le temps d’une journée ou d’un week-end, famille, amis, collègues et voisins viennent aider les futurs propriétaires.
Cette semaine, David et Anni sont appelés par un de leurs amis tailleur de marbre qui liquide ses stocks avant de cesser son activité. L’occasion pour le couple d’acquérir des matériaux à petits prix pour les intégrer ensuite à leurs projets et permettre à leurs clients aux moyens limités de bénéficier de ces produits de « luxe ».
À l’université de Santa Clara, au sud de San Francisco, l’ingénieur et chercheur Mark Aschheim dirige un laboratoire de recherche en génie civil, où il encourage ses étudiants à s’intéresser aux matériaux durables (paille, terre, bambou), encore peu connus dans le domaine de l’ingénierie.
Parmi les travaux réalisés à Santa Clara, on trouve des essais de construction en paille anti-sismique, des poutres en bambou (IPN et treillis) ou encore des maisons conçues puis construites à échelle 1 pour le Solar Decathlon et autres compétitions. Ici, plusieurs échantillons de mur en paille sont développés par un des élèves, qui cherche à en réduire l’épaisseur.
À Napa, au Nord de San Francisco, l’entreprise Watershed Materials travaille sur la production de matériaux de construction privilégiant l’utilisation de la terre au ciment. Dans l’atelier, Taj Easton présente la toute dernière invention de l’équipe dirigée par son père, David Easton, ingénieur passionné par les matériaux durables depuis plus de trente ans.
La machine (conçue et construite sur place grâce à un fonds de recherche accordé par l’État) sert à produire des blocs de maçonnerie en terre compressée. Son avantage : elle peut être déplacée rapidement pour produire les matériaux directement sur le site du chantier. Grâce à cet appareil, l’entreprise espère proposer des services qui puissent devenir compétitifs sur le marché du BTP « conventionnel ».
Pour financer ses recherches, l’entreprise Watershed doit régulièrement travailler sur de gros projets pour des clients fortunés. Dans l’atelier, on trouve de nombreux murs en terre banchée destinés à servir de cloison ou à parer les façades de luxueuses maisons. Dehors sont stockés des échantillons pour des demandes parfois extravagantes. Dernière en date : un immense mur courbe en terre, prototype échelle 1 commandé par l’artiste britannique Andy Goldsworthy.
Cette situation témoigne des obstacles que rencontre la construction en terre (et de manière plus générale, en matériaux durables), dont les coûts de mise en oeuvre encore très élevés excluent les populations peu aisées.
Si les architectes, ingénieurs, artistes, chercheurs et artisans qui gravitent autour du réseau CASBA ont recours à des techniques aussi variées qu’alternatives, tous mettent un point d’honneur à contribuer à la production de bâtiments « esthétiques ». Comme l’explique l’ingénieur Bruce King, la transition vers des modes constructifs « zéro carbone » ne peut avoir lieu sans porter attention à cette question.
Vous pouvez suivre le voyage de Coline et Capucine sur leur tumblr ainsi que sur leur page Facebook.