Architecture

Global Award 2016 : « Time is free. Haste is costly »

L’annonce des lauréats des Global Award for Sustainable Architecture 2016 s’est tenue le lundi 9 mai à la Cité de l’architecture & du patrimoine. Cette 10e édition s’est cette année concentrée sur le rapport de l’architecture au temps, et à la façon dont les architectes peuvent l’utiliser comme ressource, en privilégiant le temps de la conception.

Créé en 2006 à l’initiative de la Locus Foundation fondée par l’architecte Jana Revedin, le Global Award for Sustainable Architecture récompense les architectes internationaux travaillant avec des méthodes responsables et durables, notamment à l’aide de matériaux et savoir-faire locaux. Introduisant le symposium de 2016, le président de la Cité de l’architecture & du patrimoine Guy Amsellem a précisé le thème de cette dernière édition en invitant les architectes à « utiliser le temps comme ressource », tout en rappelant l’importance du temps de la conception, avec un fil conducteur en forme d’adage : « Time is free. Haste is costly ».

© Gaston Bergeret
© Gaston Bergeret

Ainsi ont été récompensés Patama Roonrakwit, de l’agence thaïlandaise Case Studio, l’architecte suisse Gion Antoni Caminada, Kengo Kuma, les hollandais Derek Van Heerden et Steve Kinsler d’East Coast Architects et l’architecte français Patrice Doat.

Selon Jana Revedin, les 5 lauréats de l’édition 2016 sont autant de « pionniers qui ont su faire du temps leur ami et leur ressource ». Patama Roonrakwit, architecte basée à Bangkok avec son agence Case Studio, emploie justement son temps à l’étude de la ville précaire, « à hauteur d’homme ». Dans les bidonvilles du Cambodge, elle est parfois restée jusqu’à 6 mois sur place, pour dresser une topographie précise du lieu, étudier les possibles et, surtout, dialoguer avec la population locale.

En Afrique du Sud, les architectes Derek Van Heerden et Steve Kinsler, directeurs de l’agence East Coast Architects, ont adopté eux aussi cette pratique collaborative de l’architecture. Leur « agence de développement rural » sert des populations oubliées par l’État sud-africain. Contre le « paternalisme » hérité de l’apartheid, les architectes dénoncent une chaîne de commandement qui empêche souvent les populations de s’exprimer. Les premiers contacts sur place sont les enfants, « les véritables clients », selon Derek Van Heerden et surtout les plus ouverts : « les adultes n’ont pas l’habitude qu’on leur demande leur avis ». Les femmes sans emploi sont particulièrement sollicitées. Si le modèle économique des architectes constituait l’un des critères d’attribution du Global Award, dans le cas d’East Coast Architects, ses fondateurs défendent fièrement une pratique « à but non lucratif » : 3 fois en faillite, l’agence assume et maintient sa position en dehors du marché, « out of time ».

© East Coast Architects
© East Coast Architects

East Coast Architects, Seven Foutains Primary School, Kokstad, KwaZulu-Natal, Afrique du Sud, 2007

Chez Kengo Kuma, le temps est synonyme de patience. Basant son travail sur une recherche approfondie des matériaux et des méthodes ancestrales de construction, l’architecte japonais élargit le champ d’application du bambou, du bois, du papier de riz. Pour le Prostho Museum Research Center à Kasugai (Japon), Kengo Kuma a étendu le système du chidori, un jeu de construction et de logique pour enfant très populaire au Japon, à un bâtiment de plusieurs mètres de haut. La patience des ouvriers pour combiner des poutres de 6 cm de large, grâce aux « joints du diable » caractéristiques du chidori, peut être saluée.

© Daici Ano / Kengo Kuma and Associates
© Daici Ano / Kengo Kuma and Associates

Kengo Kuma and Associates, Prostho Museum Research Center, Kasugai, Japon, 2012

L’architecte Gion Antoni Caminada a quant à lui fait sien l’adage « Time is free » : pour la réalisation d’un funérarium dans son village natal de Vrin (Suisse), 7 ans de réflexion et de discussions ont été nécessaires avant la pose de la première pierre. « L’architecture est plus qu’une simple image », dit celui pour qui le respect des matériaux est parfois plus important que l’aspect de l’ouvrage achevé.

© Emeline Curien
© Emeline Curien

Gion Antoni Caminada, Maison funéraire, Vrin, Suisse, 2005

Patrice Doat, unique français de cette sélection, a souhaité évoquer le temps de l’apprentissage en évoquant sa technique d’enseignement à l’ENSA de Grenoble, basée sur l’expérimentation. Prenant pour modèle l’école du Bauhaus, Patrice Doat amène ses étudiants à réaliser des exercices, à mi-chemin entre objets de design et installations temporaires. Car l’expérimentation pédagogique, selon l’enseignant, « libère la créativité, ouvre des possibles autour de l’éclosion, permet d’apprendre à saisir les différents matériaux ». Une leçon dont ont bénéficié, semble-t-il, tous les lauréats du Global Award 2016.

Anastasia de Villepin

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