Le logement collectif, de Bâle à Barcelone
À l'occasion de la première édition du Prix européen pour le logement collectif, organisé par le centre d'architecture arc-en-rêve et l'Institut d'architecture du Pays basque, Fabrizio Gallanti (directeur d'arc en rêve) et Christophe Catsaros (responsable des éditions à arc en rêve) sont allés à la rencontre des lauréats : Philipp Esch (co-fondateur de l’agence Esch Sintzel Architekten, lauréate du prix dans la catégorie « réhabilitation ») et Carles Baiges Camprubi (co-fondateur du collectif Lacol, lauréat du prix « nouvelle construction »).
Dans cette conversation, retranscrite dans le cadre la collaboration arc en rêve papers entre AA et le centre d'architecture, les architectes reviennent sur les différents enjeux autour de la construction de l'habitat collectif aujourd'hui, de Bâle à Barcelone.
Discussion modérée par Fabrizio Gallanti et Christophe Catsaros
Christophe Catsaros : L’unité d’habitation que vous avez tous deux construite est-elle un modèle à reproduire ?
Carles Baiges Camprubi : Nous sommes très heureux que le projet que nous avons réalisé ne soit pas le dernier du genre. D’autres ont suivi, même s’il est difficile de reproduire à 100 % ce qui s’est passé dans un contexte spécifique, dans des conditions spécifiques. Mais il s’est passé beaucoup d’autres choses après La Borda, et nous sommes heureux qu’il en soit ainsi, car s’il n’y avait eu qu’un seul projet à titre d’exception, cela aurait pu être considéré comme un échec. L’objectif a toujours été d’offrir quelque chose qui puisse être reproduit et aider d’autres projets à aller de l’avant.
Christophe Catsaros : Pouvez-vous donner un exemple de quelque chose qui a été reproduit à partir de ce projet ?
Carles Baiges Camprubi : La première chose qui me vient à l’esprit est la question des places de stationnement. La Borda a exprimé sa ferme intention de ne pas inclure de parking souterrain. Pour que cela soit possible, nous avons dû modifier la réglementation, car le parking souterrain était une obligation pour les nouvelles constructions. Grâce à ce que nous avons fait à La Borda, les nouvelles constructions peuvent désormais s’abstenir d’avoir un parking souterrain.
La manière dont les espaces communs ont été traités, ou les questions de typologie sont quelques-unes des solutions qui ont été appliquées dans d’autres projets.
Nous savons que les gens s’intéressent à La Borda et qu’ils intègrent différents aspects du projet dans leurs propres projets. Nous n’avons pas inventé cette façon de faire, mais nous sommes ceux qui les ont introduites sous nos latitudes. Par exemple, lorsque nous avons discuté de ces typologies, ou même du principe des espaces partagés, on nous a dit que cela fonctionnait dans les pays du nord de l’Europe, mais que cela ne convenait pas aux mentalités méridionales.
Nous avons donc pensé que notre contribution était de prouver que ce type d’architecture était faisable et souhaitable dans un contexte méditerranéen. Et bien sûr, nous pouvons aussi nous féliciter d’avoir travaillé sur le cadre réglementaire, qui est très rigide. La Borda a ouvert un champ de possibilités qui n’existait pas auparavant.
Christophe Catsaros : Philipp, le bâtiment Weinlager est-il un modèle à reproduire ?
Philipp Esch : Dans un sens plus général, une bonne architecture a toujours une dimension exemplaire. Elle ne se limite jamais à un cas spécifique et s’efforce toujours d’atteindre une validité générale. Dans le cas du Weinlager, il y a tellement de questions, de questions sociales, de questions de durabilité, de questions de genius loci qui pourraient être prises en considération et éventuellement servir de modèle. Il existe de nombreuses interactions à l’intérieur du bâtiment, mais aussi avec le quartier environnant. Le Weinlager rayonne vers l’extérieur. Et bien sûr, il y a les questions de construction, la façon dont les choses ont été faites pour durer, la faible empreinte carbone, la façon dont 2/3 de l’énergie est produite sur le site.
Le projet dans son ensemble devrait encourager les gens à être moins axés sur les produits et plus sur les processus lorsqu’ils planifient des projets résidentiels.
Dans la plupart des cas, nous avons un cahier des charges très spécifique à remplir. Si vous ajoutez à cela le fait d’intervenir sur une structure existante, vous vous rendez compte que beaucoup de choses sont imprévisibles. Cela conduit à des appartements beaucoup plus intéressants, à des interactions beaucoup plus intéressantes avec le client, le tout dans un cadre de complicité avec les planificateurs, les autorités et les clients. Ce degré de complexité, caractéristique du travail dans des cadres existants, est généralement très prometteur.
Christophe Catsaros : Zurich est le foyer d’une culture de l’habitat coopératif unique au monde par son ampleur. Le bâtiment Weinlager, qui n’est pas une coopérative, s’inspire-t-il de cette culture ? Dans quel sens ?
Philipp Esch : Notre bureau est à Zurich et nous sommes en effet très ancrés dans la culture de l’habitat coopératif. En ce qui concerne l’esprit coopératif, le Weinlager est sans aucun doute un projet de logement collectif qui permet et à certains égards encourage la vie coopérative. Pas tant en termes de prise de pouvoir par les habitants sur le lieu de vie, mais plutôt en termes d’influence des foyers sur leur environnement.
Le client était très préoccupé par l’impact plus large du Weinlager. Cela allait de pair avec le fait qu’il est également impliqué dans la conception et la planification du quartier.
En ce qui concerne l’organisation des habitations elles-mêmes, les questions auxquelles nous avons été confrontés sont les mêmes que celles qui déterminent la vie en coopérative. De quoi ai-je besoin pour moi-même ? De quoi puis-je me passer et combien puis-je mettre en commun avec mes voisins ?
Il ne s’agit pas de se priver ou de vivre avec moins. Cette expérience de partage doit être considérée comme un gain. Quelque chose d’ajouté, comme des chambres d’hôtes, des espaces de coworking, de grands ateliers en sous-sol, une cuisine commune sur le toit, du covoiturage, une buanderie sur le toit. Il y a beaucoup d’équipements à partager, et cela s’ajoute aux aspects privatifs de logement.
En termes d’impact environnemental, la conversion des trois niveaux de sous-sol existant en parkings pour le quartier a un impact considérable sur la libération des rues environnantes des voitures en stationnement. Cela signifie également que tous les bâtiments environnants ne doivent forcément construire des parkings. Et, bien sûr, le plus important, c’est que tout cela existait déjà. Nous n’avons pas creusé un parking souterrain de trois étages. Le Weinlager offrait cette possibilité, puisque les cuves à vin se trouvaient en sous-sol.
Carles Baiges Camprubi : Ce que vous décrivez comme l’effet du bâtiment sur son environnement est en fait un niveau de coopération qui va au-delà des questions de voisinage au sein d’un même immeuble ; le bâtiment coopère d’une certaine manière avec d’autres bâtiments.
Philipp Esch : Absolument. Et c’est aussi quelque chose que Carlès a mentionné à propos de La Borda. Le Weinalger et La Borda ne sont pas des navires naviguant seuls dans l’océan. La manière dont ces deux bâtiments rayonnent au-delà de leur périmètre strict est au moins aussi importante que ce qui se passe à l’intérieur.
Fabrizio Gallanti : Bâle et Barcelone sont des contextes très différents, mais j’ai l’impression que dans les deux cas, il y a une dynamique politique et une poussée de certaines personnes et communautés contre un certain modèle qui considère l’habitat uniquement comme une marchandise.
D’une part, l’essor du modèle coopératif en Suisse est également structurel, lié à la manière dont la richesse est redistribuée dans la société. En Catalogne, l’embourgeoisement de la ville et l’impact de l’excès de tourisme sur les prix de l’immobilier suscitent une inquiétude croissante. Je me demandais comment, dans ces deux cas, vous conceviez votre rôle d’architecte dans le contexte de ces tensions.
Le prix a été lancé parce que nous pensions que le logement allait devenir, pour toutes ces raisons, une question de plus en plus cruciale à l’avenir. Je me demande si, en tant qu’architectes, vous vous reconnaissez dans ces tensions émergentes.
Carles Baiges Camprubi : Notre rôle en tant qu’architectes est un sujet que nous avons abordé à maintes reprises. Nous devons reconnaître que nous ne sommes qu’une partie d’un jeu ou d’un écosystème plus vaste. Il y a de très bons architectes qui contribuent involontairement à ces processus de spéculation et de gentrification. D’une certaine manière, il est très difficile d’échapper à ces mécanismes. Nous n’avons donc pas seulement besoin d’une bonne architecture, nous avons aussi besoin de bonnes politiques pour nous assurer que le logement va dans la bonne direction.
Cependant, nous pensons également que nous pouvons avoir un impact en tant qu’architectes. Au moment de la décision finale, vous pouvez toujours décider de participer ou non à des projets qui vont trop loin dans la mauvaise direction. Et bien sûr, avant de s’abstenir, on peut aussi essayer d’améliorer les choses dans un cadre problématique. Pour que les bâtiments soient un peu plus ouverts sur leur quartier, pour éviter que des logements exemplaires ne se transforment en gated community, une bonne conception peut instaurer une certaine porosité. Chacun peut agir sur son mode de vie. Les architectes aussi.
Les deux projets fonctionnent comme des modèles pour d’autres façons de produire des logements. Il y a quelque chose dans la façon dont la société évolue en termes de logement qui nous attire vers ces modèles, que nous le voulions ou non.
Ce que je trouve intéressant dans le Weinlager, c’est non seulement le fait qu’une partie de la structure existante a été réutilisée, mais aussi que les ajouts ont été faits en tenant compte de leur évolution future.
Il en ressort l’idée que même si nous, architectes, avons un champ d’action limité, nous avons un impact et nous devons en être conscients.
Philipp Esch : Avec le recul, je réalise la chance que j’ai de vivre dans un pays où 2/3 de la population est locataire et non propriétaire. Face à l’atomisation qui est la conséquence immédiate de la propriété, il devient extrêmement compliqué d’être inventif. A cela s’ajoute le fait que la densité est un facteur clé de la durabilité. L’habitat collectif peut favoriser la densité, mais une ville occupée par des propriétaires a plus de chance d’être une ville qui s’étale.
Christophe Catsaros : Le bâtiment est conçu comme un complexe d’habitation avec des services supplémentaires. Y a-t-il un lien entre la tradition hôtelière suisse et ce type d’habitat collectif ?
Philipp Esch : Non, il y a un malentendu. Dans un hôtel, les services supplémentaires sont des biens de consommation. Dans le Weinlager, les espaces partagés ne sont que des éléments de la vie en commun. Leur succès dépend de la manière dont les habitants les activent, et non de la possibilité de les commercialiser.
Christophe Catsaros : L’habitat coopératif, en plaçant l’habitant au cœur du processus de conception de l’espace, enlève-t-il des prérogatives à l’architecte ?
Carles Baiges Camprubi : Non, les coopératives sont des clients comme les autres. Même si habitants ne choisissent pas ce que nous pensons être la meilleure solution, c’est à eux de décider, ce sont eux qui vont vivre là, c’est leur projet. Dans de nombreux cas, nous laissons même certaines parties du bâtiment à terminer plus tard. Il s’agit généralement de parties communes.
Les besoins d’un client peuvent changer. Il est bon de l’accepter et de l’anticiper dans tous les cas.
En ce qui concerne l’agencement des logements, là encore, ce sont les utilisateurs qui ont le dernier mot, même si nous ne sommes pas d’accord avec tous leurs choix. Dans certains projets, nous aimerions aller plus loin en termes de matériaux ou de typologie radicale. Là encore, c’est le client qui décide. Ce n’est pas une caractéristique propre aux coopératives. Les architectes en général doivent faire preuve de plus d’humilité.
Christophe Catsaros : L’habitat coopératif souffre encore trop des difficultés d’accès au financement. Comment cela a-t-il été résolu en Catalogne ?
Carles Baiges Camprubi : Dans le cas de La Borda, la collecte de fonds a été assez exceptionnelle : nous avons eu plus de 300 entités ou particuliers qui ont prêté de l’argent au projet. Nous n’avons pas voulu emprunter la voie traditionnelle du financement bancaire, et même si nous l’avions fait, les banquiers ne nous auraient pas prêté d’argent.
Les choses se sont améliorées depuis. Aujourd’hui, il existe des sociétés financières éthiques qui prêtent aux coopératives. Il existe également une sorte de banque publique qui prête de l’argent aux coopératives. Entre-temps, nous avons appris à améliorer les stratégies de recherche de subventions, à faire en sorte que les gens ne soient pas exclus d’un projet coopératif pour des raisons économiques. Ce qui a compliqué les choses ces dernières années, c’est la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation de 25 % du coût des matériaux de construction. Le gain de financement est absorbé par l’augmentation des coûts.
Philipp Esch : Compte tenu de la longue tradition de l’habitat coopératif, les banques suisses prêtent facilement à ce type de projet. Pour un banquier, les coopératives sont probablement les clients les plus fiables qu’il puisse avoir. Elles sont généralement propriétaires du terrain sur lequel elles construisent, et la coopérative est le propriétaire légal des biens qu’elle administre. Toutes les garanties sont donc réunies.
Dans le cas de weinlager, il s’agit d’une fondation privée qui s’engage à fournir des logements abordables.
Christophe Catsaros : Bâle connaît un boom immobilier, spéculatif à certains égards, qui produit également des tours de bureaux et des appartements de luxe. Cette situation immobilière globale est-elle susceptible de nuire à l’exemplarité du Weinlager ?
Philipp Esch : C’est la même chose partout ailleurs, y compris à Barcelone. Des investissements spéculatifs côtoient des projets plus vertueux. Il n’y a pas forcément de lien entre ces deux initiatives.
En ce qui concerne le développement des gratte-ciels à Bâle, il faut dire que la richesse à Bâle était traditionnellement cachée. Les quelques familles très riches en ont fait leur sport favori. Cette architecture d’entreprise, qui vise à dominer l’horizon de la ville, est récente.
Cela dit, il ne faut pas réduire les logements collectifs à des logements abordables. Il y a en effet un énorme problème avec les appartements de luxe, comme on peut le voir à Londres, où il y a trop de ces appartements, qui restent la plupart du temps inoccupés.
Cette situation ne doit pas nous amener à cibler les appartements à hauts revenus en général. Si ce type d’offre permet aux plus aisés de quitter leur banlieue pour venir vivre en centre-ville, cela peut aussi être un gain pour l’environnement et la durabilité en général. Vivre densément dans une ville sociologiquement mixte, tel est l’objectif, n’est-ce pas ?
Christophe Catsaros : Les riches ont également droit à la ville.
Philipp Esch : Il y a quelques années, nous avons réalisé un grand projet de 145 appartements haut de gamme avec seulement 15 parkings. Il est également possible de convaincre des personnes fortunées de vivre sans voiture, au cœur de la ville. Et ces appartements sont tous occupés. Il ne s’agit pas de biens à caractère spéculatif. Il y a 20 ans, cela aurait été impossible.
Christophe Catsaros : Barcelone s’est également engagé dans une stratégie à long terme visant à réduire la présence des voitures dans les zones résidentielles de la ville.
Carles Baiges Camprubi : Au cours de la dernière décennie, il semble qu’il y ait eu une tentative de retirer les voitures de la ville, en particulier dans une ville comme Barcelone, où il y a de bons transports publics dans presque tous les quartiers. Mais il y a un paradoxe : alors que nous avons ce désir général de réduire l’utilisation de la voiture, les règlements de construction stipulent que chaque appartement doit avoir son propre parking. À un certain point, c’est comme si le logement social encourageait la possession d’une voiture. On s’est retrouvé avec des immeubles neufs où la moitié des parkings étaient inoccupés.
Pour se débarrasser des voitures, il faut que toutes les mesures aillent dans le même sens. Des cas comme celui-ci, où une réglementation existante va à l’encontre de l’objectif général, ne sont pas si rares.
Ici, à Barcelone, nous avons renforcé les réglementations acoustiques ces dernières années, si bien que La Borda n’aurait pas pu se faire aujourd’hui, telle qu’elle est, parce qu’elle ne répond pas aux exigences acoustiques. Cela signifie que nous avons besoin de plus d’argent et de matériaux supplémentaires pour l’isolation acoustique et, en fin de compte, que nous ne pourrons pas construire en bois, parce que le bois porte beaucoup de son.
Il s’agit là d’agendas contradictoires. Promouvoir le bois d’une part et rendre impossible la construction en bois d’autre part. Ce qui s’est passé avec le parking est une sorte de contradiction de ce type, et en tant que telle, il a été facile de convaincre les élus et les autorités techniques, en exposant l’exigence de parkings comme dépassée et en désaccord avec la politique générale.
Fabrizio Gallanti : Quelles sont vos références architecturales pour ces projets ? Y a-t-il une certaine continuité avec un langage moderniste, à Bâle et à Barcelone ? Dans le cas de Barcelone, il est intéressant de revisiter le modernisme dans la manière dont vous avez utilisé les ombrages. Dans les deux cas, la qualité architecturale a été déterminante pour le jury. La question de la méthodologie est venue ensuite. Nous pourrions donc revenir sur cet aspect des deux projets. Quelles sont les caractéristiques architecturales sur lesquelles vous vous concentrez ? Les plans, les typologies, les circulations, les vides, etc.
Philipp Esch : Je suis reconnaissant de cette question car nous avons beaucoup parlé des conditions politiques et économiques, mais en dernière instance, un projet est aussi une question de beauté. Un bon projet n’est rien d’autre qu’un changement dans la conception de la beauté.
Le Weinlager est difficilement comparable aux projets précédents, car il s’agit de notre premier projet de conversion à grande échelle. Au Weinlager, ce qui a été décisif, c’est la présence de la structure portante existante. Il n’y avait pas grand-chose d’autre d’attirant. La structure porteuse, configurée pour un usage industriel, était son principal attrait. C’est pourquoi nous avons fait des piliers le protagoniste du bâtiment. Les nouveaux piliers et les piliers existants. C’est un thème très moderne, la mise en valeur corbuséenne de la structure porteuse. Nous avons été très orthodoxes à cet égard, en affirmant dès le départ que la structure porteuse ne devait pas être affectée par les cloisons intérieures.
Quant aux références, elles sont moins stylistiques et plus liées à des ambiances et des sentiments. La masse de la structure porteuse nous a évoqué les temples égyptiens.
Nous avons essayé de les contrebalancer en utilisant des piliers en bois. Nous avons essayé d’introduire quelque chose de moins éternel et de plus éphémère d’un point de vue japonais. Shinohara nous a aidés à trouver une nouvelle structure porteuse qui nous semblait contemporaine et durable, avec une présence physique similaire à celle des piliers existants. C’est ainsi que nous considérons les références, plutôt que de citer l’architecture industrielle des années 50.
Carles Baiges Camprubi : Il y a beaucoup de références, certaines provenant de solutions traditionnelles, comme la cour, qui vient du centre et du sud de l’Espagne et qui est appelée corrala, et qui consiste en de petites unités d’habitation regroupées autour d’une cour centrale. Ou encore, comme vous l’avez mentionné, l’utilisation de stores en bois. Il s’agit d’une méthode de construction durable et peu technologique. Nous avons quelques références plus récentes, en Suisse, en Belgique et en France.
Les années 70 aux Pays-Bas avec Aldo van Eyck, ou Hertzberger. Au-delà des emprunts stylistiques, nous avons essayé de reprendre de Hertzberger la manière dont les espaces communs s’articulent entre eux visuellement et spatialement.
Christophe Catsaros : Y a-t-il une sorte de piège dans le fait de réaliser un projet exemplaire mis en lumière, qui vous oblige à faire en sorte que le projet suivant soit aussi bon que celui qui a remporté le prix ?
Philipp Esch : Ce n’est pas un piège. Nous sommes très reconnaissants de ce prix. Les logements collectifs constituent l’arrière-plan de la ville et méritent d’être mis en avant.
Carles Baiges Camprubi : Pour nous, il y avait une crainte, en raison de l’attention et du fait qu’il s’agissait de notre premier grand projet. Nous craignions d’avoir atteint le sommet avant même d’avoir commencé. Et puis quoi ?
Maintenant que nous avons réalisé trois autres projets similaires, nous avons surmonté cette crainte et nous sommes heureux que chaque projet apporte sa propre spécificité. Il y a une continuité dans ce que nous faisons d’un projet à l’autre.
La Borda n’est pas une icône, parce qu’elle n’a pas vocation à être unique, mais nous sommes assez amusés de voir surgir des projets qui utilisent La Borda comme référence. Nous considérons que ce genre de d’emprunt est une bonne chose.
Ce qui est moins amusant, c’est l’emballement médiatique, avec toutes les confusions que cela entraîne. Il y a quelques jours, un article sur un autre projet coopératif utilisait l’image de La Bora pour illustrer une interview, cela n’a aucun sens. D’un autre côté, ce succès médiatique a suscité l’intérêt pour l’habitat coopératif.