Les articulations d’Herzog & de Meuron à Colmar
Le 23 janvier 2016, le nouveau Musée Unterlinden sera inauguré en grande pompe, le président François Hollande étant attendu en personne. L’opération a consisté à restaurer en partie le couvent des Dominicaines et à prolonger les espaces d’exposition de l’autre côté de la place Unterlinden, réhabilitée à l’occasion. Une intervention urbaine délicate, dont la sobriété se retrouve dans les nouveaux espaces d’exposition. À regret.
À trois jours de l’ouverture au public, le Musée Unterlinden résonne encore des perceuses et martèlements des travaux de finition. Pourtant, le charme opère auprès des journalistes découvrant l’opération de restauration-extension en avant-première. Installé dans le couvent des Dominicaines depuis le XIXe siècle, le musée s’étend désormais dans les anciens bains municipaux et dans une extension neuve dont le volume offre un subtil écho à celui de la chapelle et dont la matérialité, conjuguant murs en briques cassées à la main et couverture en cuivre, s’intègre délicatement dans le pittoresque tissu de Colmar.
Et au milieu coule désormais la Sinn, auparavant enterrée, remise à jour et bordée de grès. L’agence Herzog & de Meuron offre, en lieu et place d’un parking, un espace public digne de ce nom, où une « maison » annonce la présence du musée. Dans le couvent, l’intervention, menée avec la collaboration de l’architecte du patrimoine Richard Duplat, a consisté à « rétablir les volumes », selon ce dernier. Fi de cloisonnement, le rez-de-chaussée fait désormais la part belle aux volumes d’origine de l’édifice. Si l’espace de la chapelle était déjà préservé, la redistribution des œuvres participe à mettre en valeur le fameux Retable d’Issenheim (XVIe siècle). Aux nouveaux espaces, dont ceux de la galerie aménagée sous le canal, les pièces du XIXe et XXe siècle.
Sous la Sinn, le volume est contraint et les surfaces, immaculées. Une scénographie volontairement « austère », selon Jean-François Chevrier, chargé avec Élia Pijollet de la muséographie. L’historien de l’art rapporte la découverte du site par Jacques Herzog et Pierre de Meuron : « Leur obsession était l’articulation d’échelles dans l’espace urbain. Lorsqu’ils ont découvert le site, le projet est né au bout d’une heure : ouvrir l’espace, assurer la continuité. L’architecture servant de liant entre la muséographie et l’urbain ». En écho à la sobriété extérieure, point de scénographie à l’intérieur. « C’est le discours des conservateurs qui dicte la muséographie », précise Jean-François Chevrier. Disposées sur des « vrais » murs ou de simples cimaise blanches, les œuvres ne font l’objet d’aucune mise en scène. Radical, le parti laisse sur sa faim. Car les pièces abondent et, de fait, les cimaises cloisonnent. Ainsi, impossible d’admirer avec recul cette reproduction en laine tissée de Guernica par Jacqueline de la Baume, la perspective étant obstruée.
Galerie, rez-de-chaussée ou premier étage de l’extension (au deuxième, le volume de 11,5 mètres étant réservé à des expositions temporaires dont la première, « Agir, contempler », ouvrira fin janvier), partout l’effet est le même : le foisonnement des œuvres l’emporte sur l’espace. Il est rare d’appeler à des architectures plus bavardes mais, à Unterlinden, une scénographie plus éloquente aurait été bienvenue.
Emmanuelle Borne
Fiche technique
Maître d’ouvrage : Ville de Colmar
Architectes : agence Herzog & de Meuron avec Richard Duplar, architecte en chef des Monuments historiques
Conseiller pour la muséographie : Jean-François Chevrier et Elia Pijollet
Surface : 7.800 m2 (dont 2.000 m2 pour les extensions)
Calendrier : Concours 2009 — Projet 2009-2012 — Travaux 2012-2015
Programme du musée Unterlinden.