L’innovation dans la tradition
À l’occasion de l’ouverture de la Biennale d’Architecture de Venise, AA organisait une série de discussions réunissant architectes et entreprises autours d’enjeux communs. Pour parler « d’innovation dans la tradition », les architectes Hiroko Kusunoki et Nicolas Moreau ont rencontré Pieter Weijnen, fondateur de Zwarthout, entreprise néerlandaise spécialisée dans la technique japonaise de bois brûlé « Shou Sugi Ban ».
Avant de se spécialiser dans la fabrication de bois brûlé, Pieter Weijnen avait œuvré en tant qu’architecte pendant plus de 20 ans jusqu’à ce qu’un accident, sur le chantier de sa propre maison, l’empêche d’exercer son métier. En 2012, il fonde aux Pays-Bas l’entreprise Zwarthout, qui développe la technique de bois brûlé d’origine japonaise « Shou Sugi Ban » permettant de protéger le bois de bardage contre les UV et intempéries par carbonisation. Hiroko Kusunoki et Nicolas Moreau, fondateurs de l’agence franco-japonaise Moreau Kusunoki architectes en 2011, sont lauréats, parmi plus de 1700 participants, du concours pour le Guggenheim d’Helsinki en 2015. Un projet bardé de bois brûlé.
« On aime utiliser des matériaux simples dans des projets complexes en les “upgradant” », explique Hiroko Kusunoki. Nicolas Moreau d’ajouter : « les UV modifient la couleur du bois en façade ; maintenir sa couleur initiale requiert l’application de produits très régulièrement. L’utilisation de bois brûlé permet de conserver une couleur stable et efficiente contre les dommages extérieurs. » Un avantage qui peut durer jusqu’à 80 ans sans beaucoup d’altérations.
Si la palette d’utilisation du bois brûlé est vaste – revêtements extérieurs et aménagements intérieurs mais aussi pièces de mobilier –, le choix d’essences de bois l’est tout autant : le douglas Naoshima est traditionnellement favorisé pour le Shou Sugi Ban et s’utilise exclusivement en extérieur, le chêne Sanuki sert pour le mobilier et les parois intérieures alors que le chêne Tonosho convient à tous les environnements. Cette diversité de propositions et l’aspect de chaque bois une fois brûlé soulèvent l’enthousiasme des architectes. Pour autant, l’esthétique n’est pas la motivation première de Pieter Weijnen. « Choisir le Shou Sugi Ban, c’est embrasser la philosophie Wabi-Sabi », souligne-t-il. Un propos qui n’a pas manqué de faire réagir l’architecte japonaise Hiroko Kusunoki, familière de cet état d’esprit complexe, dérivé du bouddhisme, à la fois « unique, qui incite à la recherche constante, à la modestie au quotidien » et qui valorise la beauté de l’imperfection et le travail du temps comme des hommes. Une philosophie qui accepte le vieillissement progressif du bois brûlé.
Ensemble, architectes et fabricant ont créé un pavillon de thé (Tea-House Tower) installé dans le patio du Navy Officers’ Club de Venise, où se tenaient les conférences organisées par AA, pendant les journées d’inauguration de la Biennale. Les panneaux de bois brûlé de 2 mètres de haut ont été transportés depuis les Pays-Bas en camion et bateau jusqu’à Venise avant l’ouverture de la Biennale. Déjà présents en France et en Espagne en plus des Pays-Bas, le savoir-faire de Pieter Weijnen devrait bientôt s’exporter dans d’autres pays européens. La preuve que cette technique traditionnelle a le vent en poupe encore aujourd’hui.
AA Material Experiences, Pieter Weijnen (Zwarthout) et Moreau Kusunoki Architectes from L’Architecture d’Aujourd’hui on Vimeo.
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Pour en savoir plus, le site de l’entreprise Zwarthout et de l’agence Moreau Kusunoki Architectes.