En 2024, au coeur du village portuaire de Sainte-Marine dans le Finistère Sud, a été livrée une une maison en bois alliant simplicité structurelle et intégration ingénieuse de dispositifs bioclimatiques. Fruit d’une collaboration entre l’agence MOOTZPELÉ (mandataires) et Le Local d’architecture (co-traitants), ce projet découle d’une démarche d’architecture rationnelle que les deux agences détaillent dans un entretien croisé. L’occasion de se pencher à nouveau sur la question du futur de la maison individuelle, comme ‘A’A’ l’explorait dans son numéro d’hiver 2025, « Maison individuelle, révolutions d’un modèle ».

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Propos recueillis par Chloé Carissimi

Pouvez-vous décrire le contexte et les enjeux de cette commande ?

MOOTZPELÉ : La maison a été conçue à la demande d’un couple qui venait d’acquérir un terrain constructible à quelques pas de l’océan dans la commune de Combrit (Sainte Marine/Finistère sud). Ils souhaitaient une résidence secondaire, conçue comme une maison principale afin de l’occuper à leur retraite, écologique, chaleureuse et singulière. Pour répondre à cette demande, l’utilisation bois s’est rapidement imposée. Toute la difficulté reposait alors dans un chantier capable de rivaliser avec celui une maison « traditionnelle », que ce soit en termes de solidité de la maçonnerie, en temps d’exécution ou en budget. Pour répondre à cette problématique, nous avons condensé le programme dans un volume constitué d’un étage, de combles et d’auvents.

Dans quelles circonstances s’est organisée la collaboration entre vos deux agences ?

Le Local d’architecture : Avant de créer Le Local d’architecture en 2023, Timothée Fétiveau était chef de projet au sein de l’agence MOOTZPELÉ. C’est lui qui a été sollicité, pour construire la maison à Sainte Marine, et Le Local d’architecture n’étant pas encore créé à l’époque, c’est tout naturellement qu’il a proposé le projet à Erik Mootz et Marc Pelé. Timothée Fétiveau et Erik Mootz ont dessiné le projet à quatre mains, et le Local d’architecture a ensuite accompagné MOOTZPELÉ sur le suivi de chantier. Ce projet est l’histoire de la transmission et de l’accompagnement, par agence expérimentée et reconnue, vers une nouvelle aventure de l’un de ses collaborateurs. Nos agences envisagent d’autres collaborations dans le futur.

De nombreuses critiques émergent contre la maison individuelle, dénonçant son « non-sens écologique ». Selon vous, peut-on concilier engagement écologique et maison individuelle ?

Le Local d’architecture : La maison individuelle représente 56 % des logements en France. La remise en cause de son modèle revient donc à interroger la manière d’habiter d’une large partie de la population. Cette question ne peut pas être résolue par le simple bannissement de ce type d’habitat, il est essentiel d’en analyser les travers et d’en percevoir les bénéfices, sous certaines conditions, pour un futur soutenable. La principale critique de la maison individuelle repose sur sa consommation d’espace, qui conduit à la destruction de surfaces agricoles et naturelles précieuses. Il nous semble nécessaire d’opérer une distinction claire entre, d’une part, la construction d’opérations de lotissement démultipliant un standard aliénant sur l’ensemble des territoires, qui concèdent l’architecture et l’urbanité sur l’hôtel de la rentabilité économique maximale, et d’autre part, des opérations de densification douce et bioclimatique, au sein d’espaces déjà urbanisés.

À rebours de l’image actuelle de la maison individuelle, l’intensification des usages sociaux et environnementaux par la densification des bourgs (terrains délaissés, extension/surélévation, division parcellaire, friches…) nous semble même pouvoir être une opportunité dans notre recherche collective d’habitats résilients, adaptés aux évolutions climatiques futures. Dans son livre RetroSurburbia, David Holmgren démontre la capacité de la maison individuelle à s’adapter à nos modes de vies, en offrant de l’espace propice à leurs usages, tels que la récupération des eaux pluviales, la gestion des déchets à l’échelle parcelle – et donc leur réduction, l’aménagement du jardin dans le respect de la biodiversité, la production maraîchère, la gestion simple des systèmes bioclimatiques de la maison… Nous pensons que les possibilités offertes par la maison individuelle peuvent être une partie de la solution de demain dans certains territoires, à condition d’évaluer avec rigueur l’impact environnemental de tout nouveau projet.

Un habitat durable et vertueux se distinguerait donc notamment par son adaptation au territoire qu’il occupe. Auriez-vous un exemple de la façon dont vous avez appliqué ce principe lors de la réalisation de cette maison bretonne ? 

MOOTZPELÉ : Dans ce projet, avec sa grande toiture et son implantation en Bretagne où le climat est océanique, nous nous sommes interrogés sur le cycle de l’eau pluviale. Les eaux captées par la toiture sont acheminées vers le terrain naturel pour garantir une infiltration totale à la parcelle. Une citerne de récupération, un fossé drainant et la conservation des structures végétales existantes – grâce à la filière sèche – à proximité directe du chantier ont permis de réaliser un projet pertinent pour infiltrer l’eau pluviale et la rendre utile.

L’idée était donc de construire cette maison en valorisant les caractéristiques de son territoire. D’où peut-être cette collaboration avec Le Local d’architecture, agence qui porte dans son nom cette idée. Est-ce bien dans ce souci de durabilité que Le Local d’architecture a choisi l’échelle locale pour développer son activité ? 

Le Local d’architecture : « Être architecte comme on est boulanger » [formule empruntée à l’architecte Bernard Quirot, engagé à montrer les vertus d’une architecture ancrée dans un territoire. NDLR] est une éthique en soi, une mise au service d’une collectivité en tirant une expertise certaine de sa pratique quotidienne. En développant une activité de proximité, Le Local d’architecture s’applique à fédérer un réseau d’acteurs publics et privés, participant, à notre échelle, à son développement par des choix de projet frugaux. Réussir le pari de « devenir indigène » [titre traduit en français de l’essai du biologiste américain Wes Jackson. NDLR] , c’est prendre part à la vie courante d’un territoire si bien qu’une relation de confiance mutuelle s’installe. La hiérarchie réduite des organisations professionnelles et politiques locales nous semble ainsi favoriser l’expérimentation et l’invention de modèles résilients. L’installation des associés sur différents territoires est la traduction de cette vision. S’implanter « au creux du lieu » ne signifiant pas figer la société, nous souhaitons pouvoir appliquer cette philosophie à d’autres territoires grâce à de futures associations.

Dès lors, en quoi cette maison de Sainte-Marine pourrait-elle représenter un nouveau type de maison individuelle qui répondrait aux enjeux sociétaux et écologiques qui s’imposent à l’architecte ?

MOOTZPELÉ : Cette réalisation nous semble répondre à ces enjeux dans la mesure où elle offre une solution pertinente pour compenser de manière efficace les surcoûts incidents à la transition écologique (matériaux biosourcés et performance thermique) et ainsi rivaliser avec la construction « classique » de maisons individuelles. Et ce, grâce à l’implantation d’un programme ambitieux mais courant dans la demande en maison individuelle : à savoir un hall d’entrée, des espaces de service, une cuisine familiale, une salle à manger, un séjour, des sanitaires, quatre chambres, deux salles de bain et une terrasse couverte, le tout dans un seul volume très compact, simple et rapide à construire. 

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Maison Marine, Sainte-Marine, Finistère

Programme : Construction d’une maison individuelle
Maître d’ouvrage : Particulier
Architectes : Mootz-Pele Architecte (mandataire) et Le Local d’architecture (co-traitant)
Surface : 138m² + garage 56 m²
Coût des travaux : 440 000 € HT
Photographe : Aurélien Chen