Design

Métiers d’art versus design industriel

Au revoir garde-meuble présidentiel, bonjour « Manufactures nationales ». C’est ainsi qu’a été baptisé le nouvel établissement public réunissant le Mobilier national et la Manufacture de Sèvres, lors d’une annonce officielle de Rachida Dati, ministre de la Culture, le 15 janvier 2025. Ancien Garde-Meuble de la Couronne, le Mobilier national est aujourd’hui non seulement un temple pour la sauvegarde du patrimoine mobilier français mais aussi le bras armé de l’État pour la promotion de la création contemporaine. Quant à la Manufacture de Sèvres, elle est à la fois garante de la sauvegarde des savoir-faire de l’art céramique mais aussi laboratoire d’innovation pour la centaine de céramistes qui y exercent et maîtrisent une trentaine de métiers associés.

Hervé Lemoine, ancien président du Mobilier national devenu celui des Manufactures nationales, soutenait en janvier dernier sur les ondes de France Culture la volonté, par ce geste, d’ «animer une politique publique en faveur de l’ensemble des métiers des arts décoratifs ou du design» – ambition qui s’inscrit dans le cadre de la «stratégie nationale pour le soutien des métiers d’art », annoncée par le gouvernement en mai 2023 et dotée de 340 millions d’euros pour préserver l’excellence, transmettre les savoirs et favoriser leur développement à l’international. Cet engagement public non négligeable en faveur des artisan·es d’arts français·es traduirait -il un retour en grâce des arts décoratifs, dans leur acception la plus artisanale ? Assisterait-on, en France, à un changement de paradigme, au détriment du design industriel et de la production en grande série ? Le « low-tech », l’art du « faire » ou encore le « collectible design » – le design de galerie, ou de collection – ont -ils eu raison de la création industrielle ?

Patrick Jouin Édition © Charles Seuleusian

À Paris, rue Paul-Cézanne, le designer Patrick Jouin, figure incontournable de la création contemporaine, balaye d’un revers de la main ces interrogations. Celui qui fut formé à l’École nationale supérieure de création industrielle – et qui dessina notamment, pour la ville de Paris, les premiers Vélib’, les sanitaires publics JCDecaux ou, encore, comme il aime à le rappeler, les lumineux des taxis parisiens – ne s’interdit pas pour autant une pratique plus artisanale. Preuve en est la création récente de sa propre maison, Patrick Jouin Édition, et le lancement d’une première collection composée de cinq pièces, pensée comme « un laboratoire intime célébrant la singularité » des savoir-faire qu’elle convoque – de la maroquinerie d’ameublement à l’émaillage de métaux en passant par le tournage et l’émaillage du grès. En y regardant de plus près, l’œil averti décèlera sans peine la justesse du dessinateur industriel qui s’appuie sur la technique et le geste de l’artisan·e. Pour Patrick Jouin, point de différence entre l’échelle industrielle et le travail artisanal : « Quand je dessine un objet unique, je le conçois comme s’il devait être édité à un million d’exemplaires. Je ne sais pas vraiment faire autrement. »

Qu’en est-il de l’économie d’un tel projet ? Qu’on se le dise, l’auto-édition est une aventure réservée aux plus opiniâtres, et si l’État français apporte son soutien aux métiers d’art, Patrick Jouin porte seul ce projet. « Il s’agit d’un travail de recherche et développement, mené pour mon studio Patrick Jouin iD, précise-t-il. Ce sont des objets qui ne peuvent pas exister sur le marché classique du mobilier [le coût de production serait trop onéreux à absorber, NDLR] mais qui existent dans mon carnet de croquis et que je dessine depuis longtemps. En les produisant moi-même, je me fais plaisir, j’achève leur conception et peut-être peuvent-ils devenir de bons,….

Lire la suite de cet article écrit par Guillaume Ackel dans le dernier numéro de L’Architecture d’Aujourd’hui, AA n°464, disponible sur notre boutique en ligne.


                            

React to this article