Ornements, icônes et symboles
Faut-il encore invoquer « Ornement et crime » d’Adolf Loos pour souligner que, plus de 100 ans après la diffusion du pamphlet de l’architecte viennois, l’ornement mérite au contraire d’être pleinement réhabilité ? Pour son premier numéro de 2019, AA propose de se pencher sur cette dimension du dessin architectural qui reste encore mal assumée. Et pourtant, l’ornement n’est-il pas une arme de prédilection contre la standardisation ?
Qu’il soit iconique chez les postmodernes, évocatif chez nos contemporains, motif rapporté ou inscrit au creux d’une surface plane, l’ornement est aujourd’hui protéiforme, comme le souligne l’article d’Edwin Heathcote, qui rappelle le rôle éminemment culturel de l’ornement. Mais comment intégrer ce souci du détail dans l’économie du projet d’architecture ? Car le recours à l’artisanat participe de cette lutte contre la normalisation, un combat que mène, contre toute attente, Bernard Durand-Rival, Senior Manager Architecture‑Urbanisme chez Real Estate Development by Euro Disney, à Val d’Europe.
L’éventail des réalisations choisies par AA illustre non seulement les différentes applications de l’ornement mais aussi la variété des rôles qu’il endosse. Ici, il se fait fin motif évoquant les conditions de sa production ou son contexte — voir le travail des architectes espagnols de TEd’A à Majorque ou les logements de Chartier-Corbasson à Paris — là, il devient éloquent à la manière des formes hyper-signifiantes du postmodernisme, comme pour le Musée national du Qatar de Jean Nouvel. Ailleurs, il tutoie le pastiche, tel le centre communautaire de FAT ou les Crystal Houses de MVRDV aux Pays‑Bas. Enfin, par endroits « tout se passe comme si l’ornement était en train de contaminer la structure », pour emprunter les termes d’Antoine Picon. Tel est le cas de la résidence universitaire d’Éric Lapierre à Paris, où, selon l’architecte, « le rôle ornemental de la structure permet de fonder l’expression du bâtiment sur son système constructif tout en inscrivant celui‑ci dans une dimension culturelle qui dépasse largement les seuls attendus techniques ».
Désormais, l’ornement ne s’apprécie que dans un système signifiant plus vaste où il fait du bâtiment qu’il pare une icône, un symbole ou a minima le témoin d’une époque.
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