« Vivre avec » : le pavillon français de la Biennale d’architecture de Venise
Ce mercredi 12 février avait lieu, au cœur de la Cité de la Mode et du Design à Paris, la présentation, par les commissaires d’exposition – l’agence Jakob+MacFarlane Architectes, associée aux agences Martin Duplantier Architectes et Éric Daniel-Lacombe Architectes – de leur exposition conçue pour le pavillon français de la 19e édition de la Biennale d’architecture de Venise.
Anastasia de Villepin
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L’équipe curatoriale, de gauche à droite : Brendan MacFarlane, Dominique Jakob Martin Duplantier et Éric Daniel-Lacombe.
C’est dans l’iconique « serpent vert » de l’agence Jakob+MacFarlane que s’est tenue la conférence de presse de l’exposition intitulée Vivre avec / Living with du pavillon français en présence d’Emmanuel Lebrun-Damiens, directeur de la diplomatie culturelle auprès du ministère des Affaires étrangères ; Hélène Fernandez, adjointe au directeur général des patrimoines et de l’architecture, chargée de l’architecture ; Hugues Ghenassia de Ferran, directeur général délégué de l’Institut français et Madeleine Houbart, secrétaire générale de l’AFEX. Quoi de mieux, en effet, qu’une réhabilitation lourde – le bâtiment de la Cité était un entrepôt industriel de 1907 avant de devenir en 2012 les « Docks » sous les mains de l’agence Jakob+McFarlane – pour évoquer en ses murs le « vivre avec » ? À ce sujet, en introduction, Emmanuel Lebrun-Damiens rappelait, à juste titre – du moins, en cohérence avec les récents choix de la France d’exporter ses talents jusque dans le désert saoudien – que l’architecture est actrice de la diplomatie.
Plus encore, Hélène Fernandez, évoquant une exposition de « recherches appliquées », soulignait que cette année, l’équipe des commissaires a dû composer avec une gageure de taille : la fermeture du pavillon français, une boîte néoclassique de 1912 (dessinée par l’ingénieur Faust Finzi) surmontée d’une balustrade métallique signée de l’artiste vénitien Umberto Bellotto, en cours de rénovation tout au long de l’année 2025. Ça n’est pourtant pas à Venise que manquent les lieux remarquables et l’exposition aurait eu tout loisir d’explorer d’autres sites, cependant, « le jury a salué la volonté des lauréats de rester dans les Giardini et de “vivre avec” le chantier ».
« En effet, il était important pour nous, souligne Dominique Jakob, de rester contre ce pavillon en restauration, de le soutenir, d’une certaine manière. Les premiers mots de notre proposition ? L’instabilité, l’adaptation. » Pour l’exposition à venir, cette adaptation passe un syncrétisme formel qui s’accommode de l’iconographie du chantier – échafaudage, caillebotis, trames – pour composer un pavillon « hors les murs », se frayant un chemin entre le bâtiment condamné et l’orée du Rio dei Giardini à l’est. « L’existant n’est jamais heureux de se faire envahir », renchérit Éric Daniel-Lacombe. Pour cela, « nous avons choisi de monter une structure qui permettrait de faire le lien entre la terre, la végétation et l’eau », précise Brendan MacFarlane et d’offrir, le temps de l’événement, un microclimat bienvenu dans la chaleur des journées vénitiennes.
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À l’intérieur de cette trame métallique, l’exposition Vivre avec / Living with s’organise en six chapitres, nourris de 50 projets – 9 réalisées par les agences commissaires, 41 autres fruits des décisions d’un comité invité en juillet 2024 à sélectionner les heureux élu·es parmi 275 candidatures. Les thématiques « vivre avec l’existant, les proximités, l’abîmé, les vulnérabilités, la nature et le vivant, les intelligences réunies » égrènent les projets modèles, ceux qui « font avec » et, surtout, « partout ». L’on aurait pu penser qu’un pavillon national ait l’orgueil de présenter en majeur des réalisations du territoire français, pourtant point de patriotisme ici. « Nous avons réussi à respecter une parité totale entre les projets français et internationaux », se félicitent les commissaires. Outre cette mosaïque de « bonnes pratiques » – projets d’architecture bien sûr, mais aussi de paysage, d’urbanisme, projets de sauvegardes et de recherches – la proposition française annonce une série de conférences qui se tiendront sur place, de juin à novembre 2025, ainsi qu’un « Atlas des aléas », un programme de recherche en collaboration avec huit écoles d’architecture (situées en France, aux États-Unis, en Égypte, en Ukraine, au Togo et en Arabie saoudite) et un catalogue édité par Flammarion.
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« Choisir, c’est renoncer », dit l’adage. Si les commissaires ont déroulé le sommaire de leur sélection de projets, répartie en toute intelligence, le hors-champ géographique n’est pas passé inaperçu dans l’assemblée. Et Gaza ? Et le Yémen ? Un conflit d’ordre « chronologique » selon la défense, aurait empêché d’intégrer davantage de projets contemporains ; mais encore, des candidatures non formulées – la rédaction d’AA regrette, par exemple, l’absence de l’agence AAU Anastas qui œuvre, depuis quelques années déjà, à la valorisation de l’architecture vernaculaire en Palestine, pour ne citer qu’eux. La sélection prend toujours le risque de la déception : néanmoins, inutile de tempêter en amont, rappelons que l’exposition du pavillon français est, avant tout, une manifestation institutionnelle – à quel point pourrait-elle être politique ? En attendant, laissons venir le vivre avec et rendez-vous en mai.
Vivre avec / Living with Pavillon français, Giardini, Venise 10 mai - 23 novembre 2025