Deux pavillons hospitaliers réhabilités par Richter architectes et associés
Au cœur de Strasbourg, implanté sur le même site depuis la fin du XIVe siècle, l’Hôpital civil constitue le principal CHU de la capitale européenne. Avant la construction dans son enceinte, en 2008, du nouvel hôpital de type « bloc », sa typologie historique perpétuait les principes hygiénistes en permettant à chaque service d’être circonscrit à un pavillon indépendant entouré d’un jardin. Aujourd’hui, le site fait peau neuve et accueille de nouveaux programmes dans son écosystème ; l’agence Richter architectes et associés est responsable de la transformation de deux pavillons hospitaliers en haut-lieu de la recherche et du développement d’entreprises de haute technicité médicale.
La commande
2018. L’année où l’agence Richter architectes et associés est nommée lauréate de l’Équerre d’argent pour son centre de soins psychiatriques à Metz-Queleu est aussi celle qui voit Pascale et Jan Richter remporter le concours pour la réhabilitation de deux anciens pavillons de l’hôpital civil de Strasbourg. L’objectif de cette opération : transformer ces bâtisses hospitalières en un campus regroupant plusieurs organismes spécialisés dans la recherche biomédicale. Baptisé NextMed, le lieu investira deux bâtisses du début du XXe siècle, respectivement édifiées par Paul et Karl Bonatz, maîtres d’œuvre de l’extension des hospices civils de Strasbourg (1905-1914), et par Patrice Bonnet, grand Prix de Rome en 1906.
Les deux pavillons se côtoient, séparés de quelques dizaines mètres par des allées et des jardins minutieusement dessinés par les frères Bonatz. La construction du premier bâtiment (livré en 1926), dédié au service ORL, n’avait pas été achevée sous la conduite des architectes, qui quittèrent Strasbourg avant la fin des travaux – en témoignaient les toitures d’alors, désordonnées et non conformes aux plans des architectes. Quant au pavillon Blum (1921) de Patrice Bonnet, son style alliant néo-régionalisme et orientalisme (on le surnomme « la pagode ») hébergeait au siècle dernier un amphithéâtre à l’attention des étudiants en médecine.
En découvrant ce site de projet, protégé par les hauts murs d’enceinte de l’ancien hospice, les architectes sont séduits par la composition « subtile et parfaitement mesurée » du plan d’extension de l’hôpital de Paul et Karl Bonatz. Ils lui reconnaissent notamment une grande unité visuelle et la qualité du tracé de ses jardins – inséparables d’une architecte hygiéniste au service du soin médical. Le projet de reconversion permet aux architectes de restituer les rapports « plein-vide » hygiénistes établis par le plan directeur du XXe siècle en supprimant les extensions disgracieuses que les dernières décennies avaient vu éclore par nécessité d’agrandir les différents services hospitaliers.
Le pavillon ORL
La maîtrise d’ouvrage, composée de la Société d’aménagement et d’équipement de Strasbourg (SERS) et de sa filiale Medtech Strasbourg, souhaite faire de NextMed le lieu de réunion de plusieurs programmes, depuis les laboratoires de recherche aux lieux de formation en passant par la pépinière d’entreprises. La structure du pavillon ORL, avec ses circulations spacieuses et ses volumes majestueux, constitue une enveloppe idéale pour accueillir des espaces tertiaires flexibles (open-spaces, bureaux individuels et partagés, etc.).
L’accès au bâtiment est réorienté au sud de la bâtisse, où Richter architectes et associés redessine un parvis d’accueil. À tous les étages, les faux-plafonds arrivés en seconde moitié du XXe siècle sont supprimés afin de retrouver la hauteur initiale des linteaux des portes ; les niveaux de sol sont quant à eux réhaussés de 14 cm afin de permettre la mise en œuvre d’un système de plancher chauffant, installé sous un parquet qui remplace le carrelage d’origine pour ennoblir les circulations et les espaces de travail. Libéré de son ascenseur, lequel est mis aux normes et déplacé, l’espace de circulation verticale révèle un élégant escalier à noyau creux, éclairé par une façade courbe redessinée pour magnifier l’espace et par des luminaires conçus sur mesure pour le projet.
Les dessins des toitures réalisés par les frères Bonatz et négligés par les constructeurs de années 1920 deviennent un support du projet des sœur et frère Richter. La surface des combles, alors perdue, est réinvestie, tandis que les architectes s’inspirent du registre bonatzien pour concevoir une toiture pourvue de chiens assis et de verrières orientées nord, est et ouest. Isolée par l’extérieur (20+10 cm), la toiture et sa charpente sont sécurisées par l’ajout d’une armature métallique, qui rachète les charges supplémentaires tout en parant au risque sismique.
Dans son ensemble, la réhabilitation de la clinique ORL permet de créer près de 3 000 m2 (S.U.) de bureaux et 1 000 m2 de circulations. Bouquet final : la qualité de conception, le niveau de détail et le soin apporté par les différents artisans mobilisé au second œuvre et aux finitions ne se révèlent pas contradictoires avec la tenue d’un budget raisonnable, le bâtiment affichant un coût de seulement 1 700 euros au mètre carré. La modernité de ce nouveau programme est parachevée par la conception d’une crèche et d’un local à vélo, en rez-de-chaussée de l’ancien pavillon ORL, et d’un restaurant d’entreprises, siégeant dans le pavillon Blum.
La pagode
La composition du pavillon Blum, ancienne annexe des bâtiments de soin déployée sur quatre niveaux, est entièrement révisée par l’agence. Redessinant les jardins qui entourent le bâtiment, les architectes libèrent et agrandissent les étroites cours anglaises qui acheminaient la lumière naturelle vers son niveau enterré, rendant ce dernier lumineux et digne d’occupation en abaissant la hauteur d’allège des petites fenêtres existantes, lesquelles deviennent parfois de vastes baies vitrées.
La pagode accueille désormais des plateaux de bureaux flexibles en R+1 et R+2, tandis que le RDC et le R-1 accueillent les espaces de restauration, de cafétéria, mais également des espaces de présentation et de réunion plus informels, en adéquation avec les usages contemporains du tertiaire et des start-ups. L’action des architectes est volontairement sobre pour mieux révéler la singularité de l’édifice – dont la couverture en béton emprunte l’apparence d’une charpente alsacienne traditionnelle en bois. Discret hommage à la chambre qu’Adolf Loos dessina pour sa femme Lina, des rideaux diaphanes, montés sur un rail invisible, enveloppent et tamisent la lumière qui baigne l’espace de la cafétéria.
Pôle des technologies médicales et tiers-lieu « Nextmed », Strasbourg, France
Programme : Siège d’entreprises de technologies médicales, crèche, tiers-lieu
Maîtrise d’ouvrage : SERS, Medtech Strasbourg
Maîtrise d’œuvre : Richter architectes et associés (architectes), SIB études (structure), Act’ Bois (structure bois), BET Gilbert Jost (électricité et CSSI), Solares Bauen (fluides, thermique et développement durable), C2BI (économie et OPC), Euro Sound Project et DB Silence (acoustique), BIM Services (BIM manager), Bruno Kubler (paysage), BET Plume (géothermie)
Surface : 132 m² (restructuration) + 983,40 m² (extension)
Coût : 9,5 millions d’euros HT
Concours : 2018
Livraison : 2024
Photographies : Luc Boegly
Réhabilitation du pavillon Blum (« la Pagode »), Strasbourg, France
Programme : Ensemble mixte, salle de restauration et de réception, bureaux
Maîtrise d’ouvrage : SERS, Medtech Strasbourg
Maîtrise d’œuvre : Richter architectes et associés (architectes), SIB études (structure), Solares Bauen (fluides, thermique, développement durable), BET Gilbert Jost (électricité, CSSI), Euro Sound Projet et DB Silence (acoustique), C2BI (économie, OPC), BIM Services (BIM manager), Bruno Kubler (paysage)
Surface : 862 m2
Coût : 3,2 millions d’euros HT
Concours : 2018
Livraison : 2024
Photographies : Luc Boegly