Place de la République, « un espace inaliénable »
Le Silencio, club « dédié aux communautés créatives » à Paris, réunissait, le 17 novembre dernier, Soline Nivet, docteur en architecture, et les fondateurs de l’agence TVK, Pierre Alain Trévelo et Antoine Viger-Kohler autour d’une double projection – unique à ce jour – de Place de la République de Louis Malle (1974) et 24 heures sur place d’Ila Bêka & Louise Lemoine (2014). Deux films qui se répondent à quarante ans d’intervalle. L’occasion d’évoquer le projet d’aménagement de la place par TVK et ses nouveaux usages à l’heure où l’espace public est plus que jamais menacé.
« Un témoignage comme le cinéma est capable d’en produire. » C’est en ces termes que Pierre Alain Trévelo commence par évoquer le film de Louis Malle. Antoine Viger-Kohler, lui, parle d’une « photographie de la société ». En 1974, dit-il, « les gens ne sont pas habitués aux caméras mais se livrent facilement alors qu’en 2014, ils sont plus familiers mais il est plus difficile de les faire parler ». Reste que les questions, parfois indiscrètes, d’Ila Bêka, trouvent toujours une réponse. Ce dernier, en collaboration avec Louise Lemoine, a répondu à une carte blanche lancée par TVK en 2014. Les architectes les ont sollicités pour leur « capacité à regarder les gens ». En 1974, Louis Malle était venu, avec une équipe, occuper les trottoirs du quartier pendant dix jours, les passants revenant et se familiarisant avec le réalisateur. En 2014, le duo Ila Bêka & Louise Lemoine choisi de s’installer place de la République 24 heures d’affilées, laissant les événements spontanés de cette unique journée ponctuer leurs séquences. Et répondant ainsi au souhait de TVK de « s’intéresser aux gens qui occupent la place de la République de façon ordinaire ». Démonstration en est faite avec ce film qui s’attache aux paroles de passants entre 6h du matin et 6h le lendemain, des propos parfois superficiels, parfois inattendus, souvent très personnels. Selon TVK, « les corps sont plus libres, plus présents, plus entiers » chez Ila Bêka & Louise Lemoine que chez Louis Malle.
« En 1974, le grand espace n’est jamais perceptible en raison des plans très serrés du réalisateur, le son reflétant l’étendue de la place », soulignent les architectes. Pour Soline Nivet, dans le travail d’Ila Bêka & Louise Lemoine, « le sol, ses lignes de fuite, l’horizon devient même un sujet, un objet et un motif ». Elle ne manque pas d’évoquer les changements opérés sur cette fameuse place de la République suite aux événements tragiques de l’année 2015, cet « espace rechargé dramatiquement et symboliquement ». TVK révèle alors qu’ils ont eu récemment besoin de « redescendre dans l’espace public ».
« Cet espace public appartient à tout le monde, c’est un espace inaliénable », commente Pierre Alain Trévelo. Lors du concours, en 2010, TVK a d’ailleurs choisi de « partir des usages mais sans faire l’inventaire de tout ce qui pourrait s’y passer, plutôt comme une évocation et un travail très précis sur l’architecture du sol. C’est un projet qui navigue entre l’ultra précision d’un dessin et l’ultra liberté des scénarios possibles ».
Laurie Picout
Informations pratiques
Images extraites de 24 heures sur place, un film d’Ila Bêka & Louise Lemoine, France, 2014, HD, couleurs, 90’. Plus d’informations sur le site des deux réalisateurs.
Place de la République, un film de Louis Malle, France, 1974, 35 mm, couleurs, 94′. Pour en savoir plus sur le réalisateur, rendez-vous sur le site de la cinémathèque française.