Prendre le Pli
Le 21 juin dernier, la deuxième édition du Salon du livre d’architecture, organisé à la Maison d’architecture en Ile-de-France, offrait l’occasion de découvrir des nouveaux titres parmi lesquels Pli, dont le premier numéro sera présenté le 24 septembre prochain à la librairie Volume, à Paris. Son éditeur, le jeune architecte Christopher Pierre Louis Dessus, a partagé avec L’Architecture d’Aujourd’hui sa vision de la presse spécialisée. Entretien.
AA Comment êtes-vous passé de l’architecture au monde de l’édition ?
Christopher Pierre Louis Dessus En faisant du projet d’architecture ! L’édition m’a toujours intéressé et j’ai monté une première revue, Volume Magazine, à l’ENSA-Versailles à la suite de mon mémoire de master. J’ai commencé par produire un numéro zéro en invitant tous les gens qui m’avaient marqué, inspiré, interpellé durant mes études, qu’ils soient issus du monde de l’édition ou de la scène architecturale, comme le libraire Samuel Hoppe ou Gilles Vernus, historien de l’architecture. Les travaux rassemblés d’éditeurs, illustrateurs, artistes, théoriciens, écrivains, architectes combinent ces deux entités : l’architecture et l’édition. Puis, j’ai décidé d’aller plus loin, cette-fois ci en m’entourant d’une équipe, et c’est ainsi que Pli est née.
En quoi Pli se distingue des autres revues ?
On reproche souvent aux revues spécialisées d’être trop élitistes ou, au contraire, trop vulgarisées. En tous cas, nous avions envie d’une revue qui n’est pas seulement écrite par les architectes pour les architectes. L’idée est de proposer une publication plutôt pointue mais à la fois accessible au plus grand nombre, en tous cas aux amateurs des différents domaines que nous abordons. L’équipe est composée de différents profils travaillant dans des domaines divers comme Adrien Rapin, chargé de communication, Marion Claret, chargée de production, et Jean-Baptiste Parré, graphiste. Cette équipe diversifiée est notre premier atout. Notre deuxième objectif est de rendre visible le lien entre architecture et édition. Car les architectes, urbanistes ou paysagistes ont des pratiques intimement liées à celles des éditeurs, des librairies et des rédacteurs. Comment un architecte est-il amené à publier ? Comment faire travailler ensemble designer graphique, éditeur et architecte ? En résumé, il s’agit de saisir la proximité entre ces deux mondes. Ce qui n’est pas aisé compte tenu de la variété de profils évoluant autour de ces deux pratiques, des architectes aux chercheurs, en passant par les botanistes ou les designers graphiques. Nous nous appuyons donc sur des travaux existants que nous proposons d’enrichir dans le cadre de thématiques définies afin de proposer un contenu inédit. Plus qu’une simple contribution, notre volonté est d’instaurer de véritables collaborations.
Quand on sait que la presse papier est de plus en plus menacée, pourquoi choisir ce format pour votre revue ?
Il est vrai qu’on nous a souvent posé la question. Oui, commencer une aventure papier n’est pas chose aisée et peut paraître folle à l’heure où tout le monde ne jure que par le numérique, mais nous avons choisi de retourner le problème. Nous faisons appel à des jeunes artisans imprimeurs qui travaillent la risographie et la sérigraphie. Notre démarche consiste à créer un objet à part entière. En fait, nous avons décidé d’utiliser cette contrainte comme une composante essentielle. Nous jouons par exemple sur les types de papiers et leurs grammages, les techniques d’impression, les textures. La prise en main est très importante, et elle permet une autre approche de la lecture d’articles de recherche. Bref, le papier fait partie intégrante de l’ADN de Pli, peut-être plus encore que les articles de la revue. On n’abandonne pas pour autant le numérique : un projet de développement web est sur les rails. Il s’agit d’un véritable prolongement du thème du premier numéro qui porte sur l’hypertextualité.
Les sujets d’actualité, comme l’affaire de la Philharmonie de Paris, montrent que l’architecture est en perte de considération. Voyez-vous dans l’édition le moyen de redéfinir le rôle de l’architecte ?
Je pense que l’édition a effectivement son rôle à jouer en offrant, avec les revues papier et parallèlement au monde numérique, de véritables tribunes aux architectes mais aussi, c’est le cas de Pli, à d’autres penseurs ou praticiens pour créer de nouvelles vagues. Ce sont les profanes en la matière, ayant le goût de l’architecture, qu’il faut viser ! Il est clair que le métier d’architecte est dévalorisé et cela se ressent jusqu’aux démarches d’embauche, dans les contrats proposés aux jeunes architectes tel l’auto-entreprenariat, qui accentue la précarité des jeunes diplômés. L’architecture n’étant plus ce qu’elle était, le monde éditorial interpelle de plus en plus les jeunes générations qui veulent faire entendre leur voix. L’édition de revues spécialisées peut gagner en vigueur si elle se remet en question, ce que nous essayons de faire. •
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Entretien réalisé par Lola Petit.