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Pritzker Prize 2025 : Liu Jiakun

Ce mardi 4 mars, le Pritztker Prize 2025 a été attribué à l’architecte chinois Liu Jiakun. Né en 1956, il fonde Jiakun Architects en 1999 à Chengdu, et pratique majoritairement en Chine. Le jury de cette 54e édition du prix a salué une approche humaniste et innovante, capable de « célébrer la vie quotidienne des citoyen·nes ordinaires ». Son travail se caractérise notamment par l’utilisation de matériaux locaux et recyclés, comme les « rebirth bricks », issues des décombres du tremblement de terre du Sichuan en 2008. En 2015, ‘A’A’ présentait déjà cet engagement envers la durabilité et la mémoire culturelle, dans un article publié dans le numéro 409 de la revue sur les « Innovations » et qui, une décennie plus tard, est toujours d’actualité.


Laurie Picout

En 2008, la ville de Wenchuan, dans la région du Sichuan, fut presque entièrement détruite par un des tremblements de terre les plus dévastateurs jamais recensés en Chine. Malgré les fréquents séismes de cette région montagneuse proche de l’Himalaya, aucune mesure n’a pu être mise en place pour limiter les dégâts. Face à la pénurie de matériaux de reconstruction, l’architecte Liu Jiakun a misé sur le réemploi des gravats. « Des tas de bâtiments en ruine attendaient d’être évacués. Et, avec les moissons en cours, la paille était disponible en grande quantité », explique-t-il au sujet de ses « rebirth bricks », de véritables briques recyclées.

Avec l’aide d’artisans locaux, il a mis au point un procédé de fabrication semi-industriel utilisant les débris comme agrégat, les tiges de blé – habituellement incinérées l’été par les paysans – comme additif, réduisant ainsi poids et coût des briques tout en minimisant la pollution atmosphérique, et enfin du ciment et du sable comme liant. Une machine sur mesure permet de produire rapidement ces briques légères en cas d’urgence.

Dans le cas du musée Shuijingfang consacré à l’histoire séculaire de la production vinicole chinoise, l’agence Jiakun Architects a utilisé les rebirth bricks en partie basse des façades, agrémentées de bambou traditionnel consolidé, plus léger, en partie haute. Une façon de « traduire l’essence culturelle orientale en langage architectural contemporain », commente Yang Ying, l’un des architectes de l’agence. En effet, le projet a été pensé en hommage aux ruines historiques des dynasties Ming et Qing autant qu’à l’ancienne distillerie et aux ateliers de brassage des années 1930 sur lesquels il s’implante. « Notre conception devait être humble et subtile, sans imiter l’architecture de l’époque ni l’occulter avec un style actuel trop envahissant », ajoute Yang Ying.

Tel un hommage au passé et à un perpétuel recommencement, les rebirth bricks traduisent un renouveau à la fois concret et spirituel. L’urbanisation pratiquée actuellement en Chine, faite de démolitions et reconstructions effrénées, produit une grande quantité de déchets pouvant devenir une source de matériaux pour la fabrication à grande échelle de briques recyclées. Dans un paysage en constante évolution, les traces du passé resteraient alors perceptibles dans la structure même des constructions.


 

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