Renée Gailhoustet, disparition d’une engagée
Elle avait reçu le prix d'honneur du Grand Prix national de l'architecture pour l'ensemble de son œuvre en octobre dernier. Renée Gailhoustet est décédée le 4 janvier 2023 à l'âge de 93 ans et laisse derrière elle une vie d'engagement, et d'avant-garde.
Étudiante à l’École nationale supérieure des beaux-arts, elle fait ses classes dans l’atelier de Marcels Lods, André Hermant et Henri Trezzini, dans un milieu exclusivement masculin. Elle y rencontre Jean Renaudie, son complice et conjoint jusqu’en 1968. Diplômée en 1961, elle intègre l’agence de Roland Dubrulle : c’est là qu’elle conçoit et livre la tour Raspail à Ivry-sur-Seine, première pierre de la rénovation du centre-ville d’Ivry qui durera près de 25 ans. C’est d’ailleurs avec cette tour que le travail de Renée Gailhoustet est pour la première fois publié dans L’Architecture d’Aujourd’hui, crédité à son nom. Sous la forme d’une brève, l’article paru en septembre 1968 (AA n° 139) rend compte du soin, novateur, accordé aux espaces partagés, à l’imbrication des programmes pour multiplier les lieux pour la collectivité : buanderie collective, « terrasse-jardin », atelier partagé au dernier étage. Plus tard, toujours à Ivry-sur-Seine, viendront les tours Lénine, Danielle-Casanova et l’iconique centre Jeanne-Hachette, qu’elle conçoit avec Jean Renaudie, mais encore la cité Spinoza (1973) ou Le Liégat (1986) – modèles avant l’heure d’un logement social soucieux de multiplier les accès à l’extérieur, les vues, les terrasses, les mètres carré sans programme. Elle fonde sa propre agence en 1964 – fermée en 1998 – et en 1969, est nommée architecte en chef de la ville d’Ivry-sur-Seine.
En 1975, elle se voit confier la conception du quartier de la Maladrerie à Aubervilliers, livrée en 1984. Pour loger un programme complexe (logements sociaux, logements pour personnes âgées, logements en accession, locaux d’activités, commerces, équipements culturels et ateliers d’artiste), Renée Gailhoustet se fait urbaniste : les formes s’enchâssent, les parcours se multiplient pour éviter que les « piétons n’aient à longer des volumes opaques », comme elle l’explique dans AA n° 215, paru en juin 1981, dans un article qui consacre une double page au projet alors en cours de livraison.
Redécouvrez cette publication en cliquant sur l’image ci-dessous :
La question de l’habitat est pour Renée Gailhoustet indissociable de celle de l’habitat dans la ville, comme elle le rappelle en 1987, à l’occasion d’une discussion organisée par AA avec Jean Nouvel, Paul Chemetov et Yves Lion. Seule femme au palmarès, à la question, « Loger ? Ou réinventer le monde ? », elle répond : « Le problème de fond est de savoir comment on va du logement dans la ville. Alors, bien sûr, on dit “architecture urbaine”. Ras le bol ! On a entendu tellement de trucs pénibles à ce sujet, ça s’est mis à recouvrir le décor sur les caisses. En revanche, quelle articulation existe-t-il entre la ville et le logement ? Comment vit-on dans la ville ? Voilà les dimensions qu’il ne faut pas occulter. » Militante, pragmatique, osée, l’architecture de Renée Gailhoustet aura marqué l’histoire du logement au XXe siècle.
Retrouvez les propos de Renée Gailhoustet, publiés en 1987, en cliquant sur l’image ci-dessous :