Renée Gailhoustet en 2022, à l'occasion du Royal Academy Architecture Awards 2022 © Valérie Sadoun

Architecture

Renée Gailhoustet, disparition d’une engagée

Elle avait reçu le prix d'honneur du Grand Prix national de l'architecture pour l'ensemble de son œuvre en octobre dernier. Renée Gailhoustet est décédée le 4 janvier 2023 à l'âge de 93 ans et laisse derrière elle une vie d'engagement, et d'avant-garde.

Étudiante à l’École nationale supérieure des beaux-arts, elle fait ses classes dans l’atelier de Marcels Lods, André Hermant et Henri Trezzini, dans un milieu exclusivement masculin. Elle y rencontre Jean Renaudie, son complice et conjoint jusqu’en 1968. Diplômée en 1961, elle intègre l’agence de Roland Dubrulle : c’est là qu’elle conçoit et livre la tour Raspail à Ivry-sur-Seine, première pierre de la rénovation du centre-ville d’Ivry qui durera près de 25 ans. C’est d’ailleurs avec cette tour que le travail de Renée Gailhoustet est pour la première fois publié dans L’Architecture d’Aujourd’hui, crédité à son nom. Sous la forme d’une brève, l’article paru en septembre 1968 (AA n° 139) rend compte du soin, novateur, accordé aux espaces partagés, à l’imbrication des programmes pour multiplier les lieux pour la collectivité : buanderie collective, « terrasse-jardin », atelier partagé au dernier étage. Plus tard, toujours à Ivry-sur-Seine, viendront les tours Lénine, Danielle-Casanova et l’iconique centre Jeanne-Hachette, qu’elle conçoit avec Jean Renaudie, mais encore la cité Spinoza (1973) ou Le Liégat (1986) – modèles avant l’heure d’un logement social soucieux de multiplier les accès à l’extérieur, les vues, les terrasses, les mètres carré sans programme. Elle fonde sa propre agence en 1964 – fermée en 1998 – et en 1969, est nommée architecte en chef de la ville d’Ivry-sur-Seine.

En 1975, elle se voit confier la conception du quartier de la Maladrerie à Aubervilliers, livrée en 1984. Pour loger un programme complexe (logements sociaux, logements pour personnes âgées, logements en accession, locaux d’activités, commerces, équipements culturels et ateliers d’artiste), Renée Gailhoustet se fait urbaniste : les formes s’enchâssent, les parcours se multiplient pour éviter que les « piétons n’aient à longer des volumes opaques », comme elle l’explique dans AA n° 215, paru en juin 1981, dans un article qui consacre une double page au projet alors en cours de livraison.

Redécouvrez cette publication en cliquant sur l’image ci-dessous :

La question de l’habitat est pour Renée Gailhoustet indissociable de celle de l’habitat dans la ville, comme elle le rappelle en 1987, à l’occasion d’une discussion organisée par AA avec Jean Nouvel, Paul Chemetov et Yves Lion. Seule femme au palmarès, à la question, « Loger ? Ou réinventer le monde ? », elle répond : « Le problème de fond est de savoir comment on va du logement dans la ville. Alors, bien sûr, on dit “architecture urbaine”. Ras le bol ! On a entendu tellement de trucs pénibles à ce sujet, ça s’est mis à recouvrir le décor sur les caisses. En revanche, quelle arti­culation existe-t-il entre la ville et le logement ? Comment vit-on dans la ville ? Voilà les dimen­sions qu’il ne faut pas occulter. » Militante, pragmatique, osée, l’architecture de Renée Gailhoustet aura marqué l’histoire du logement au XXe siècle.

Retrouvez les propos de Renée Gailhoustet, publiés en 1987, en cliquant sur l’image ci-dessous :

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