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« La maison » contre « le logement social » ? Le Prix National d’Architecture du Chili 2024 fait débat

L'architecte Cristián Castillo Echeverría, né à Santiago du Chili en 1947, vient de se voir attribuer le Prix National d'Architecture du Chili 2024 (Premio Nacional de Arquitectura 2024), décerné par le Collège des Architectes du Chili. Fils de l'architecte et homme politique Fernando Castillo Velasco, lui-même Prix National d'Architecture en 1983, Cristián Castillo a obtenu son diplôme d'architecte en 1972 à la Católica (Pontificia Universidad Catolica de Chile), avec une spécialisation dans le champ du logement obtenue en 1977 à la Architectural Association School (Londres). Une récompense qui agite la scène chilienne, en premier lieu l'architecte Germán del Sol (lui-même Prix National d'Architecture en 2006), qui aurait préféré voir le prix attribué à un bâtisseur de "maisons" plutôt que de "logements sociaux".

Cristián Castillo privilégie depuis ses débuts des problématiques sociales, dans une lutte contre la précarité, en faveur de la communauté. Ses préoccupations se tournent vers le logement social, les équipements publics ou éducatifs. Livré en 2011, le Barrio Maestranza Ukamau, un ensemble de logements sociaux comptant 424 appartements dans le quartier Estación Central de Santiago, est l’un des plus importants construits au Chili au cours des dernières décennies. À l’origine du projet, ni État ni maître d’ouvrage privé mais un mouvement « social et populaire », Ukamau, accompagné par Cristián Castillo. Un projet à découvrir dans le dernier numéro de L’Architecture d’Aujourd’hui, intitulé « Chili ».

Ce projet en particulier et l’architecture de Cristián Castillo ne semblent pas du goût de tous ses confrères, quelques-uns s’insurgeant du choix fait par le Collège des Architectes Chiliens de lui remettre, le 10 juin dernier, le Prix National d’Architecture du Chili 2024 (Premio Nacional de Arquitectura 2024). Parmi les détracteurs, Germán del Sol, lui-même Prix National d’Architecture 2006, dans un courrier adressé au rédacteur en chef du quotidien conservateur El Mercurio, écrit: « (le travail de Castillo) fait honte à tous ceux qui attendent des récompenses pour des œuvres qui répondent à l’objectif permanent de l’architecture, qui est de construire des maisons – et non des « logements sociaux » – où nous aimerions tous vivre, parce que nous y voyons reflétée la splendeur de notre vie, même avec ses misères. Et non des pavillons denses avec des cours sombres, plus dignes de l’Union soviétique des années 1950 que des maisons que nous, Chiliens, pouvons offrir à nos habitants aujourd’hui, comme le montrent de nombreux exemples construits par tant de bons architectes, et parfois même par leurs propriétaires ».

Cristián Castillo n’a pas tardé à répondre, dans un courrier adressé au même journal: « Monsieur le Directeur, je regrette profondément que notre lauréat du prix national d’architecture 2006 (Germán del Sol, ndlr) vive toujours dans un pays qui n’est pas le sien. Et je regrette, en lisant sa note (hier), qu’il n’ait pas eu les ressources économiques et les relations d’affaires qui lui ont permis de réaliser une œuvre dans laquelle tous les Chiliens aimeraient vivre, travailler ou passer des vacances.
Si nous avions eu les conditions de travail qu’il a eues, il ne fait aucun doute que dans notre pays, les logements sociaux auraient le nombre de mètres carrés des maisons qu’il conçoit, que nous utiliserions les immenses possibilités technologiques qu’il s’autorise, et qu’ils donneraient sur les vallées depuis ces grandes fenêtres si communes à son travail.
Je regrette également qu’il ne reconnaisse pas la lutte de ceux qui n’ont rien pour obtenir un logement décent, ni l’immense effort que nous faisons et l’engagement que nous prenons, tant au niveau du ministère du logement que des entrepreneurs et des constructeurs, des professionnels et des travailleurs, ainsi que des sans-abri de ce pays, pour améliorer, tous ensemble, la conception et la construction de logements sociaux au Chili.
Il suffirait de se rendre dans les territoires où ces projets sont développés pour comprendre le profond changement qui existe dans la façon dont nous considérons ce que nous devons faire et ne pas faire pour coopérer à la construction d’un pays qui nous appartient à tous. »

Barrio Maestranza Ukamau © Oficina de Arquitectura FCV

 

 

© Felipe De Ferrari © Oficina de Arquitectura FCV

 

© Ukamau

 


Découvrez l'article « Architecture de résistance: le cas Ukamau » écrit par Felipe de Ferrari dans le dernier numéro de L'Architecture d'Aujourd'hui sur le Chili, disponible sur notre boutique en ligne.

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