Architecture

Undo Redo, entre graphisme et architecture

© Undo-Redo
© Undo-Redo

Depuis 2006, Undo-Redo, duo des directeurs artistiques Nicola Aguzzi et Teresa Gasperutti, développe ses idées et expérimente son approche dans tous les domaines du design visuel. Attentif au détail et sensible à la beauté des matières, Undo-Redo imagine chaque projet comme un objet unique. Il rassemble aussi des partenaires passionnés – photographes, designers, illustrateurs, acheteurs d’art, webmasters, etc. – et des fournisseurs spécialisés. En 2015, le duo s’associe à Valérie de Berardinis, designer graphique spécialisée en signalétique autour de projets d’environmental graphics. Ce département va désormais s’appeler Undo Redo Espace. 

Invités par L’Architecture d’Aujourd’hui, Nicola Aguzzi et Teresa Gasperutti mettent en lumière la relation entre graphisme et architecture. 

Traditionnellement en France on pense qu’un graphiste est quelqu’un qui crée des affiches. Son domaine d’activité se limiterait aux surfaces bidimensionnelles, la conception graphique de livres représentant le zénith de son expression créative « en volume ».

Alors comment penser sa mission face aux volumes et aux espaces (pour le moins) tridimensionnels de l’architecture ?

Le graphisme, tel que nous le pensons et le pratiquons dans le cadre de l’architecture, est tout d’abord un outil pour guider et informer les usagers d’un lieu. Ce type de mission s’appelle la signalétique. Disons d’emblée que pour nous, la signalétique, plus qu’une simple gestion des flux, concerne l’expérience même des lieux. Il s’agit d’y proposer des cheminements possibles. Le contexte urbain nous confronte quotidiennement à des espaces complexes et artificiels. Il nous semble fondamental de réfléchir à des systèmes d’orientation efficaces et clairs pour accueillir et prendre en charge le visiteur, sans négliger pour autant ces aspects plus sensibles.

Nous pensons ainsi plutôt en termes d’environmental graphics. Quand on nous invite à intervenir dans une architecture, notre objectif est de développer son identité visuelle par la création d’une expérience sensible et narrative qui connecte les visiteurs à cette dernière. La création et la mise en application d’une identité visuelle peut valoriser la construction quand elle s’intègre et s’inscrit à ses volumes, quand elle s’approprie de ses matériaux, quand elle souligne les « point forts » de l’architecture.

À l’heure actuelle la lisibilité et l’identité d’un lieu sont souvent une préoccupation tardive dans l’élaboration d’un projet architectural, voire un aspect auquel on ne pense qu’une fois le site conçu. La contribution de la signalétique est, dans ces cas, limitée à l’« agencement » de l’espace, au même titre que l’ameublement. Elle fait rarement partie de la conception d’ensemble, et se résout – par méconnaissance et « manque de budget » – à un simple jeu de panneaux et de symboles.

À ce manque de considération du potentiel du travail graphique en architecture, s’ajoute une réalité issue des contraintes et limitations auxquelles doivent se confronter la plupart des architectes : la conception de l’identité visuelle d’un bâtiment devient la conception de sa façade, un des rares espaces où ceux-ci peuvent exprimer librement leur créativité. Or en attribuant un rôle aussi important à la façade, l’architecte minimise (malgré lui) le rôle du graphiste, qui devient une sorte d’« habilleur graphique ». Comme si on vous confiait un mur à décorer sans vous faire part du contexte où se situe ce mur.

Alors comment faire en sorte que les deux disciplines – le graphisme et l’architecture – collaborent dans le cadre d’un projet architectural ? Est-ce possible ?

Pour nous la réponse est que oui, et de plus, cette collaboration est utile et nécessaire. La synergie entre les deux acteurs permettrait de concevoir des lieux plus attentifs à l’usager et de sensibiliser davantage les commanditaires et les gestionnaires à des paramètres telles que la « pratique » de l’espace, l’expérience sensible, la narrativité. En étant par vocation un studio de création multidisciplinaire nous aimons travailler sur des supports différents. C’est très stimulant de pouvoir aborder des projets à échelle différente, de découvrir et de se confronter au défi des nouveaux matériaux. Nous avons la chance d’avoir instauré des collaborations de longue durée avec des agences d’architecture dont nous apprécions particulièrement l’approche, et avec qui nous partageons une certaine esthétique. Ensemble, nous avons réalisé la signalétique de plusieurs projets architecturaux mais aussi leur identité visuelle, les supports de communication, des éditions.

D’après notre expérience, c’est la reconnaissance, le respect réciproque et enfin la confiance entre les deux corps de métier qui font des équipes gagnantes et motivées face au (lourd) défi que représente un projet architectural. Le graphiste aura une bonne compréhension du projet architectural et des choix esthétiques de l’architecte, il apportera des solutions cohérentes et harmonieuses pour valoriser l’architecture sans embellissements dépourvus de sens. L’architecte de son côté échangera sur un maximum d’éléments, du concept aux détails plus techniques – la circulation dans l’espace, l’orientation, la lumière, les matériaux de construction, la palette chromatique – et sera ouvert au dialogue dès les prémices du projet.

Teresa Gasperutti et Nicola Aguzzi, directeurs artistiques et gérants du studio de création graphique UNDO REDO.

React to this article