Une page blanche dans la ville
« Nous avons réalisé un bâtiment gris pour que la couleur vienne des utilisateurs » déclare l’architecte parisien Aghis Pangalos à propos du Centre d’animation Ken Saro Wiwa, qu’il a réalisé en collaboration avec l’architecte Anne Feldmann. La façade du centre, inauguré en janvier 2015, a déjà connue quatre fresques différentes changeant le visage de cette architecture vivante au sein du 20e arrondissement de Paris.
« C’est une des premières fois que les graffeurs peuvent s’exprimer sur l’enveloppe d’un bâtiment public avec l’accord et même les encouragements de la Mairie ! » s’exclame Anne Feldmann. Si l’institutionnalisation du street art prête à débat, le Centre d’animation Ken Saro Wiwa forme néanmoins un exemple d’architecture offerte à l’intervention d’artistes autant qu’à l’appropriation de ses usagers. La Ligue de l’enseignement, gestionnaire de l’établissement, en association avec la structure spécialisée dans le graffiti Art Azoï, propose régulièrement à des artistes d’utiliser leurs peintures et sprays sur la façade principale. Et pour ne pas oublier les jeunes amateurs, les architectes ont creusé leur monolithe gris d’une terrasse dont les parements en béton sont prévus pour des ateliers de graff ouverts aux scolaires et habitants du quartier. L’idée est de « recréer les conditions urbaines du graff dans la ville » explique Anne Feldmann.
Orienté sur le graffiti, et plus largement sur les cultures urbaines, le centre compte aussi de vastes espaces dédiés à la musique et aux arts plastiques. L’ensemble de 1.500 m2 superpose des étages tantôt introvertis – pour préserver la sonorisation de l’auditorium et des studios de répétition ou les danseurs des vis-à-vis – tantôt ouverts sur la ville – avec un accueil vitré prolongeant la rue ou des salles d’arts plastiques ouvertes sur le quartier. Pour Aghis Pangalos, « cette architecture a un rôle didactique, elle parle plus des activités qu’elle abrite que d’elle-même ». À l’intérieur, tous les murs en béton brut ou peint sont voués à être tagués par les utilisateurs, « un côté brut assumé mais pas esthétisant », défendent les concepteurs. Et si les quelque dessins et collages qui commencent à germer sur les parois ne font pas toujours l’unanimité, Anne Feldmann affirme que « maintenant le centre est à eux ! » •
** Pour information, le nom du centre d’animation vient de Ken Saro-Wiwa, de son vrai nom Kenule Beeson Saro-Wiwa, écrivain et producteur nigérian, militant écologiste, ayant reçu le prix Nobel alternatif en 1994 pour « son courage exemplaire dans la lutte non violente pour les droits civils, économiques et environnementales de son peuple ».
Centre d’animation Ken Saro Wiwa, 63 rue Buzenval, 75020 Paris.
La programmation du centre sur le site de la ligue de l’enseignement.
Lundi, mercredi et vendredi 13h-22h
Mardi et jeudi 9h-22h
Samedi 9h-20h
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Photos de Luc Boegly
Texte de Laurie Picout